Voici tout d’abord deux collectifs dont il faut souligner tout l’intérêt, à la fois points d’étape, et selon l’attention à ce qu’aura apporté tel ou tel contributeur, à l’évidence points de relance pour la réflexion dans les domaines considérés : littérature, philosophie, psychanalyse. Plus qu’un air du temps dans lequel se situer, le lecteur pourra, dans la confrontation des disciplines, "voir une œuvre commune élaborée par plusieurs natures se complétant mutuellement" (Athenaüm, fragment 125 [2]), comme un discours de la méthode implicite, à partir duquel tracer ses propres sentiers de découverte.
À cet égard, cette manière de recension portera et pas uniquement pour des raisons de format l’emphase sur tel ou tel article, plutôt que sur tels autres, sans qu’il soit question de les hiérarchiser, pour dessiner une, parmi bien d’autres, manière de réception des travaux proposés : à raison de son propre Kulturarbeit [3], le lecteur formulera sa feuille de route intellectuelle à lui.
Lignes n° 38, mai 2012, Littérature & pensée [4]
« Des rapports de la pensée à la littérature, tout le monde semble donc à peu près savoir ce qu’il en est, a fortiori si c’est à des « penseurs » que la question est posée (c’est le cas de la plupart ici). Mais est -ce si sûr ? Qu’ en est-il donc pour la pensée que la littérature elle-même pense, comme par surcroît ? Et que pense-t-elle que la pensée ne penserait pas, ou pas assez ? Qu’est-ce qu’une pensée qui ferait réellement l’expérience de la littérature, la lisant réellement pour ce qu’elle est ? Se peut-il que la littérature ait possiblement quelque chose en propre que la pensée n’aurait pas, même du point de vue de la pensée ? Qui sait, que celle-ci fuirait ? Que son histoire lui ferait fuir (ce que la littérature a volontiers de bas ), de tragique ou de trivial, que la pensée n’a pas) ? »
Michel Surya [5] qui a réuni avec Jacob Rogozinski les textes de ce numéro 38 de Lignes, précise en liminaire : « Questions que posait l’invitation à collaborer à ce numéro ; d’autres naissent des réponses elles-mêmes, qui suivent ».
Est-il besoin d’avouer que s’il est une obsession qui habite les lignes de cette lettre de la magdelaine, et bien avant qu’elle fût, c’est bien celle-là.
Philosophe, poète (Je ne voudrais rien qui mente, dans un livre [6]), éditeur (William Blake & Co. Edit. [7]), Jean-Paul Michel, m’apporte cette "consolation" :
« La vérité est que les arts, s’ils désespèrent des platitudes sûres de soi de la demi-science, sont demandeurs de savoir, ces savoirs seraient-ils mis en œuvre comme des fictions dans des univers de fiction. - On ne voit pas, d’autre part, qu’aucune discipline scientifique avertie de son fait ait jamais pu regarder de haut une grande œuvre d’art. Niels Bohr ne fait pas d’ombre à Cézanne [8] . (La réciproque n’est pas moins vraie.) »
Cette citation, extraite de sa contribution « Un à-pic, comme l’existence » (pp. 183-198), comme une invitation à réserver une attention à son propre texte comme à ce qu’il appelle les dépôts votifs que nous laissent les œuvres (celles qui restent).
Ce sera mon introduction au repérage de quelques unes parmi la plus d’une vingtaine de contributions (chacune pleine d’intérêt dans son ordre propre, mais leur totalité impossible à rassembler, ou pire à lister), en ce qu’elles rencontrent des interrogations souvent soulevées ici. Je rappellerai tout d’abord que la problématique dessinée est aussi celle du séminaire de Gisèle Berkman au Collège international de Philosophie [9] ; j’invite à lire sa contribution, Cri écrit de la pensée, non à partir de son introduction, quoi qu’elle en pose parfaitement le questionnement, mais à partir de ce qu’elle appelle un immense petit texte de Kleist (Sur l’élaboration progressive des idées par la parole (1805-1806)), qui mènera jusqu’à cette conclusion :
« La littérature, en notre « extrême contemporain », n’ose plus guère revendiquer la « pensée du dehors », l’autre pensée, ce gai savoir pour lequel « les pensées sont les ombres de nos sentiments toujours obscures, plus vides, plus simples que ceux-ci ». Que sont les écritures pensives devenues ? Une certaine identification hâtive de la prose à la narration les a comme rejetées aux marges, et sans doute est-ce là leur chance paradoxale : celle de se trouver en minorité. Elles se déploient selon des lignes de faille singulière, refusant le partage des genres, réinventant l’indivision, recréant leurs Athenaeums. Leurs cogitos se sont excogités. Sans doute ont-elles rejeté comme trop contraignantes le mot et la chose même de « littérature ». Certains textes, qui errent aux frontières, s’aventurent sur le limes incertain de la prose et de la poésie, ont cette capacité singulière de dire ce trouble de la pensée qui la fait raptus, élan, palpitation, retombée, « cri écrit », pour reprendre le magnifique développement que Heidegger, pourtant peu suspect de modernité poétique, consacrait au Zarathoustra de Nietzsche dans Qu’appelle-t-on penser ? » (169-170)
Je ne m’étendrai pas sur le texte de Sylvain Santi, dont j’ai déjà dit tout le bien que je pensais de son entretien avec Christian Prigent pour le premier des Cahiers Bataille. Disons simplement que Fenêtre ouverte sur Lucrèce, Sylvain Santi poursuit le questionnement d’une œuvre avec laquelle il est sensiblement en empathie et dont il tâcherait de débusquer les limites aporétiques (celles-ci n’étant jamais que celles surgissant des questions posées par Michel Surya à ses invités).
Francis Cohen a parfaitement raison d’utiliser les guillemets et de diviser le mot entreprise au moyen d’un tiret en ce qui concerne Roger Laporte. Tous ceux que cette œuvre aura fait toucher jusqu’au malaise existentiel ce qu’écrire veut dire, il faut insister sur ce vouloir dans l’intensité de ses diverses acceptions, tous ceux-là ne pourront qu’être reconnaissants à Francis Cohen d’avoir conclu au terme de sa réponse :
« Qu’est-ce qu’une vie d’écriture ? Une vie d’écriture s’écrivant dit que tout entreprise d’écriture soumise à la rigueur biographique n’est que la vie d’une autre vie que l’écriture ne pouvant l’écrire n’écrira pas. La vie dérobée par l’écriture, à laquelle l’écrire ne se dérobe jamais agit simultanément sur la langue et sur la lecture. Une vie d’écriture n’est vivable que par la lecture qui accroît un désir d’écrire qui traverse et déchire en même temps le lecteur et le scripteur. En ne cessant de solliciter l’échec, « Roger Laporte » avait peut-être la pudeur extrême d’oser attendre d’un lecteur qu’il puisse écrire [10] ».
Avec Bataille (mais aussi Sade, Nietzsche, Pasolini, Bernard Noël), et « ...jusqu’à l’irresponsabilité » Mathilde Girard plaide coupable ; c’est d’ailleurs avec Bataille en exergue : « Écrire ventre-nu et cul-nu, écrire et trouver l’innocence que j’ai retirant mes culottes. Fraîcheur dans l’obscurité humide d’un couloir, la main glissée est la main du mal. »
Explication :
« N’avoir à répondre de rien, de rien d’autre que de soi, et se soustraire à l’instant au bénéfice que l’écriture pourrait apporter (à son approbation) ; faire de ce refus la marque d’une contestation sans réparation : n’est-ce pas précisément à l’impossibilité de cette situation que se voue celui qui s’offre au temps écarté de l’écriture ? N’est ce pas cette absence de consolation que Michel Surya, après Georges Bataille et d’autres que nous nommerons, engage dans une révolte (une imprécation) qui lie la littérature et la pensée, et qui est aussi communication ?
C’est un conflit, ou un supplice, qui est ainsi en jeu au cœur de l’expérience de l’écriture, de la lecture, de la littérature. Le supplice d’une enfance qui n’a pas cédé sur ses écarts ; d’une enfance qui n’a pas terminé de jouir du temps sexuel qu’elle a volé au temps ordonné de l’existence adulte. Pourtant, celui qui se consacre à cette activité - celle d’écrire, de lire - voudrait qu’on le regarde alors qu’il se cache ; il voudrait plus (et c’est ce qu’il craint) : être surpris, être pris en flagrant délit. Il s’est caché nu pour écrire ; il s’est caché nu pour écrire l’angoisse de sa honte à être ainsi, nu, révélé à lui-même ; à la fin, s’il est pris, il ne saura plus : s’il est heureux parce que c’est nu qu’il fut découvert, ou parce que c’est écrivant qu’il le fut. Il en gardera la frayeur indistincte d’une expérience qui lie l’écriture et la sexualité, l’enfance et la pensée ; qui fera de celle-ci le site ouvert d’une existence angoissée.
Cela — cette expérience, cette évocation, ce secret qui n’est en réalité nul secret, qui est la vérité humaine dissimulée — fait-il entendre ce que demande la littérature à la pensée ? Et cela donne-t-il les raisons de cette exigence qu’est la littérature (l’enfance), pour la pensée (la responsabilité) ? Il s’agit de faire part à qui n’a pas renoncé à ses mauvaises pensées ; de faire part à qui veut affirmer la valeur souveraine de ces mauvaises pensées, qu’il n’y a que celles de l’enfance - de son innocence, de sa cruauté - à pouvoir égaler. Innocente· et coupable d’un « crime qu’il lui faut commettre », la littérature comme l’enfance, met en demeure la pensée. (63-64)
J’ai cité longuement. J’en reste là. Je plaide Coupable.
Collectif (dir. Isabelle Alfandary, Chantal Delourme, Richard Pedot), Lire (depuis) Le Malaise dans la culture [11]
C’est au départ un colloque (Paris-Ouest Nanterre, 8-9 novembre 2010 [12]) dont je m’autorise à conserver les parenthèses de l’intitulé, ne les considérant pas comme anodines en ce qu’elles permettent une double lecture sans escamoter l’essentiel : depuis, bien plus que sur, et dont la majeure partie des interventions ont été consignées dans ce volume solidement introduit par Isabelle Alfandéry et Chantal Delourme, qui insistent et on les suivra : « c’est à la force de déflagration d’un texte singulier qui ne peut se prêter ni à une lecture unifiante ni venir se ranger linéairement dans l’œuvre freudienne que l’on voudra donner sa place » (Avant-propos p. 6).
Voilà qui m’arrange : pas de synthèse possible, si ce n’est qu’une énergie et un désir de lucidité renouvelée parcourent les pages de l’ouvrage. Je ferai "littéraire" pour commencer ; surviendront Joseph Conrad, Thomas Bernhard, et André Breton.
Au cœur des ténèbres (Heart of Darkness, 1899) est l’ouvrage élu par Richard Pedot, avec, et cela fera se souvenir de son article, et du raisonnement conduit, la judicieuse apposition de flags et rags, que le français rend parfaitement en apposant/opposant oriflammes et oripeaux, une histoire de mots toute freudienne si ce n’est la mise en évidence qu’un rien sépare nature de culture, voilà que l’on brûle, mon père ne le vois-tu pas ? la peau ou les drapeaux... le soleil des colonies ne brille pas ici de la même manière pour tout le monde, et le fleuve n’est guère tranquille... Bref c’est brillant, passionnant, à la fin je ne sais plus lequel j’ai davantage lu, Conrad (1857-1924 ) ou Freud (1856-1939), je pencherais pour le premier, mais je sens bien que tout cela est travaillé par le second (Le Malaise publié en 1929) !
Il s’agissait du premier texte. Avec le dernier, Malaise au musée, Nella Arambasin [13], on se régalera d’une lecture possible de Alte Meister, la Kultukritik de Thomas Bernhard se trouvant étayée par le programme que se donne, celle qui par le fait, s’en fait l’analyste :
« Puisqu’il n’y a ici nulle description de tableaux, pas d’ekphrasis ni d’iconographie, il s’agit de renverser la perspective de la critique d’art pour ne plus voir ce que regarde le critique en face de lui, mais ce qui est vu de sa psyché lorsqu’elle s’immerge dans un musée. En ce sens, le roman de Bernhard réaliserait l’hypothèse de Freud selon laquelle « Psyché est étendue, n’en sait rien » ; puisqu’ « il se peut que la spatialité soit la projection de l’extension de l’appareil psychique », il se peut aussi que les écrivains sachent donner de celui-ci un développement dans l’espace. Dès lors, les analogies spatiales qui habitent à la fois la théorie et la langue allemande telle que Freud l’entendait, pourraient trouver dans la littérature une extension discursive, proposant des configurations narratives aux concepts freudiens. La littérature est de fait un outil de prospection de la psyché qui s’y déploie comme sur une scène où elle circule pour accomplir ses performances et renouveler ses masques ».
Les maîtres, nouveaux ou anciens en disputeront. Du puissant récit de Thomas Bernhard, Nella Arambasin, donne une grande lecture, à la fois roborative, renouvelée peut-être, lorsqu’elle ne dissocie pas la théorie psychanalytique de la théorie de l’émancipation artistique développée par Reger, le héros du livre (et sans doute le héraut de Thomas Bernhard), elle écrit à ce propos, ce qui est passionnant :
« Véritable avancée dans l’inauthenticité et l’imperfection de toute autorité, tel est le soupçon d’autonomie qui émerge de la psyché pour se frayer son propre chemin. Ce qui semblait si puissant n’est plus que l’expression de « l’impuissance absolue de l’homme à se débrouiller avec lui-même et avec ce qui l’entoure toute sa vie » (247) : aveu d’humilité et d’incomplétude, mais aussi d’un désir qui se libère de la raideur dans laquelle il était tenu en joug. Donc, s’il se peut que Tintoret ait peint « un second tableau non seulement tout à fait semblable mais tout à fait le même » (131), alors non seulement la prévalence de l’original sur le double ne tient plus, mais l’autorité de l’imago paternelle non plus ; Chef-d’œuvre invisible par excellence, il n’est plus que fiction ».
Qui, par improbable, n’aurait pas lu Maîtres anciens : comédie, le fasse illico, le livre est disponible en folio [14], les pages citées entre parenthèses le sont dans cette édition. Et de confronter ensuite ses crayonnages avec les savants propos, toutes choses de finesse, d’une passionnée anthropologue de l’esthétique.
Gardons le cap littérature, c’est capitale, avec l’e de André Breton, Sigmund Freud et l’inconscient capitale, par Emmanuel Rubio. De capitales, il sera en effet question, avec la méditation de Freud sur Rome (Faisons maintenant l’hypothèse fantastique que Rome n’est pas un lieu d’habitations humaines, mais un être psychique,... [15]) et d’autre part cette intuition : « que la ville totale semble faire lien avec un texte important d’André Breton, comme si le surréaliste avait pris le psychanalyste au mot. Le texte ? « Pont-Neuf », paru en 1950 [16] ». L’article est très riche, irrésumable, établissant de nombreuses connexions, tout en maintenant les différences (de contexte historique, par exemple, le Paris de la « Libération », et la Rome vue comme une nouvelle Jérusalem, d’autre part, et mille autres détails éclairants. De ceux-ci, je retiendrai :
« Au terme de ce parcours, il faut ainsi revenir à l’idée d’un lien, non seulement théorique, mais bien pratique, entre la forme de la ville, de la ville réelle, et l’inconscient qui la traverse. À tout le moins faudra-t-il souligner, en un bref retour, la différence qui apparaît désormais entre les perspectives freudienne et bretonienne, en une sorte de reflet inversé dont « Équation de l’objet trouvé » [17] nous a déjà donné un bon exemple. La ville de L’Amour fou comme de « Pont-Neuf », en effet, est bien parcourue par les pulsions de vie et de mort chères au psychanalyste ».
Un pont neuf à faire passer donc, avec et contre Freud, mais pas sans Breton : « ce qui est certain », affirme Emmanuel Rubio, « c’est qu’à centrer son texte sur la figure du pont, Breton indiquait bien la nécessité d’ouvrir un passage vers l’avenir. Ne s’attachait-il pas, dans Les Vases communicants, à l’expression « passer le pont » pour en faire l’expression même de la libération du passé ? Et n’avait-il pas fait du pont la métaphore centrale de sa redéfinition du rêve en opposition à Freud ? A la conception du rêve comme accomplissement d’un désir, il s’agissait déjà de défendre un rêve à même de libérer le sujet de ses entraves psychologiques, pour lui ouvrir la voie d’une action possible. Où l’on voit que ce dialogue, direct ou indirect, ne manque pas de constantes ».
Ce dialogue, poursuivons-le, avec un philosophe, Bernard Baas [18], Unbehagen & Krisis, j’en cite l’introduction, et donc la problématique : « Il y a dix ans de cela [19], Jacques Derrida prononçait la conférence inaugurale aux États généraux de la psychanalyse, conférence dans laquelle le Malaise dans la civilisation de Freud constituait la principale référence, voire l’objet textuel de sa réflexion. Indépendamment de l’enjeu de cette adresse aux psychanalystes - c’est-à-dire la question de « l’impossible [et toutefois nécessaire à ses yeux] au-delà d’une souveraine cruauté » -, on peut remarquer que Derrida en annonçait l’urgence par une « parodie » - il le dit explicitement - de la rhétorique husserlienne de la Krisis, plus précisément de la Conférence donnée par Husserl, à Vienne en 1935, sous le titre : La Philosophie dans la crise de l’humanité européenne ».
Après avoir opposé un Husserl aux accents héroïques et un Freud sans illusions, l’auteur conclura, citant à nouveau Derrida, en appelant philosophes et psychanalystes à penser ensemble la possibilité d’un « au-delà » du malaise qui affecte aujourd’hui la psychanalyse.
Éric Leroy du Cardonnoy, quant à lui, donne de mieux appréhender ce qui différencie l’œuvre de Norbert Elias, citant Au-delà de Freud : « Il faut néanmoins insister sur le fait que le chercheur, aussi aventureux et imaginatif qu’il puisse être, est toujours dépendant d’une situation donnée à l’intérieur d’un processus intergénérationnel de transmission des connaissances, est toujours pris dans les limites du langage et du savoir disponibles [20] ». Cette forte évidence structure le propos, tant de Norbert Elias que de son commentateur : la bibliographie qu’il en donne est un véritable appel à connaître mieux le chemin parcouru par l’auteur de La Civilisation des mœurs.
Perspectives de la culture-analyse de Jacques Le Rider, procède lui aussi, d’un travail de clarification des concepts, de recentrage pourrait-on dire sur ce qui fait la psychanalyse, et ses diverses importations dans les multiples champs des sciences humaines où ce n’est pas en tant que telle, qu’elle est le plus souvent convoquée. Et de s’appuyer sur Le manifeste sur la psychanalyse [21], la supposée rencontre ratée entre Foucault et la psychanalyse (et ceci des deux bords), et surtout de revisiter un point important de l’histoire de la psychanalyse : le différend entre Freud et Otto Gross, (et la circonspection de Max Weber à l’égard des deux), in fine la question politique.
Le regroupement qui suit est à la fois commandé par sa place dans le livre et l’appartenance des auteurs à une même école de psychanalyse, celle de la Cause freudienne, ce qui confère une unité de ton, des perspectives partagées, et néanmoins des angles de vue différenciés. L’avant-propos l’annonçait : « L’empreinte de la pensée de Freud se poursuit enfin dans l’œuvre de Jacques Lacan : certains articles l’explorent à travers l’identification du Surmoi lacanien comme impératif de la jouissance. Envisageant le Surmoi contemporain, ses figures, ses ratés, ils donnent écho au geste de Freud en son urgente exigence en approchant les nouvelles modalités de la pulsion de mort dans l’espace politique et social ».
On agrafera tout d’abord les articles de Sophie Marret et d’Éric Laurent. La première évoquant un séminaire du second en compagnie de Jacques-Alain Miller :
« Suivant les conséquences du mouvement de la civilisation, l’enseignement de Lacan marque une rupture avec la perspective freudienne et sa référence au Père. Il n’en suit pas moins les pas esquissés par Freud dans le Malaise. Une civilisation, « c’est un système de distribution de la jouissance à partir des semblants », indique Jacques-Alain Miller. « Dans la perspective analytique, c’est-à-dire dans celle du surmoi, et nous ne pouvons pas faire mieux que le concept de surmoi, dans la perspective analytique, une civilisation, c’est un mode de jouissance, et même un mode commun de jouissance, une répartition systématisée des moyens et des manières de jouir ». [22].
Et d’indiquer la voie :
« La voie à suivre n’est ni celle du recours à l’Autre, ni de la nostalgie de ce recours, mais celle du symptôme, et du non-rapport sexuel. « En psychanalyse, la seule chose dont on est coupable, c’est de céder sur son désir », rappelle Éric Laurent. Il précise en effet que la psychanalyse ne conduit pas à s’en remettre à l’Autre de la loi pour aider à l’ajointement entre culpabilité et responsabilité, il ne s’agit pas de renoncer à la jouissance, on est rattrapé par le surmoi mais il faut « décider sur cette jouissance, lui trouver une forme humaine, vivable ». [23]
Je n’insisterai donc pas sur le propos d’Éric Laurent, d’une grande limpidité, sauf à pointer le passionnant dialogue Lacan/Kojève sur la bureaucratie et l’empire, aux pp. 157-166.
J’ai gardé pour la fin Lire le Malaise dans la civilisation à l’ère du Surmoi hédoniste et évaluationniste, de Clotilde Leguil à raison, aussi, de deux parutions récentes. La première, du même auteur, qui doit d’être absolument signalée : Sartre avec Lacan, corrélation antinomique, liaison dangereuse [24], la seconde l’ouvrage de François Richard, L’actuel malaise dans la culture, qui relie les points de vue clinique et métapsychologique sous l’angle du malaise dans la subjectivation, et particulièrement chez les adolescents [25].
Cela commence (presque) ainsi : « C’est étonnée moi-même par la remarque d’une philosophe de ma génération, me demandant si Le Malaise dans la civilisation n’était pas « un texte un peu daté », selon ses termes, que je me suis vue conduite à m’interroger, non pas sur la modernité du texte freudien, mais sur les raisons qui pouvaient conduire ainsi à dévaluer le propos de Freud sur la civilisation, alors qu’il me semblait au contraire si actuel ». Et se poursuit par cette invitation (en fait l’argument du colloque) : « Je voudrai m’interroger sur la lecture de notre malaise dans la civilisation du XXIe siècle à partir du texte freudien de 1930. Les figures contemporaines du malaise peuvent-elles être élucidées à partir de la thèse freudienne ou faut-il considérer que celle-ci reste attachée à la problématique existentielle des sujets du début du XXe siècle ? » d’où les deux points : 1) Le propos de Freud dans son époque, 2) Portée du message freudien. Le propos est très clair, articulé, la conclusion convoque, à l’instar du texte d’Eric Laurent à une lucidité renouvelée à l’heure de <i<l’industrialisation du désir (Lacan, 1973) :
« Ainsi, comme Lacan le formulera après Freud, la psychanalyse n’est résolument pas un nouvel hédonisme. Le principe de plaisir a été frappé d’un soupçon tout aussi fatal que le sacrifice au nom du bien de l’autre. Et c’est peut-être au XX° siècle ce qui paradoxalement est le plus subversif en elle. Elle exhibe qu’il y a des choses qui font que « le monde est immonde », et qu’au-delà du plaisir, il y a la pulsion qui se retourne contre le sujet au point d’anéantir le vivant lui-même. Le malaise lorsqu’il est reconnu comme pouvant conduire à une articulation symbolique du sujet sur son être est alors un signal, le signal d’un danger qui menace le sujet de l’intérieur. Dans une civilisation où ce qui ne marche pas est considéré comme menaçant, le discours de Freud sur le malaise propre à la rencontre entre l’individu et la civilisation n’est alors pas daté mais au contraire singulièrement intempestif ».
Quod erat demonstrandum.
[26].
Encore des revues : Europe, Jacques Dupin [27], Champ lacanien, Lacan, psychanalyste. Témoignages [28]
Juste un survol pour ces deux excellentes revues, la première incontournable, la seconde pouvant intéresser au-delà de son public sui generis.
— Europe, Jacques Dupin
Avec cette livraison d’été (n°998-999, juin-juillet 2012), la revue Europe fait mieux que rendre hommage à Jacques Dupin, elle donne à toucher à l’œuvre. Jean-Claude Mathieu qui a coordonné ce dossier précise :
Europe, depuis toujours, a accordé la plus grande place à la poésie, française et mondiale, dans le choix de ses thèmes et par son « Cahier de création » présent dans chaque livraison. De récents numéros avaient mis à leur fronton Philippe Jaccottet, Bernard Noël, André du Bouchet. Une sorte de série, dans laquelle Jacques Dupin trouvait une place naturelle. Très tôt des articles, plusieurs livres, des recueils d’hommages, avaient contribué à approcher cette œuvre exigeante et souvent âpre ; on serait heureux que sur certains points, jusque-là moins abordés (l’oreille de Dupin, sa pièce de théâtre, la traduction de La Nuit grandissante par Celan, la mise en parallèle avec Wittgenstein), et sur d’autres, autrement questionnés, ce numéro apporte quelques pierres à l’édifice. C’est surtout, pour quelques-uns de ses amis, une nouvelle occasion de saluer, avec affection, admiration, reconnaissance, un poète intègre et fraternel.
Ceux-là, il ne sera pas possible de tous les mentionner sinon en renvoyant au sommaire [29].
Pour donner le goût de ce numéro, les onzième et douzième strophes de Le soleil substitué, (il en est dix sept) :
[11] À l’Institution, à ses crimes, l’écriture est liée malgré son exécration, par le double fil lâchement tressé, de sa dépendance et de sa dissidence. Indissociable de la société d’oppression, dont elle est l’otage et l’ornement elle n’est lisible que dans le rayon de son agonie, dans le souffle anticipé de son explosion, — et comme soulevée par ce souffle...
[12] Même puissance et nature de souffle, pourtant le poème n’est pas l’écriture de la révolution. Travaillé en son fond par les mêmes ferments, il la rejoint, la recoupe, s’en écarte, lui répond. Il incorpore son imminence, exaspère son injonction. Il recueille et réactive sa trace dans sa matérialité déchirée, sa réitération ouverte. Il répercute son éclat alentour.
Et lorsqu’elle est prise à la glu, lorsqu’un horizon tranche les poings levés, et que cesse de voyager, de lèvre en lèvre, la bouchée de pain aigre, le poème ressaisit, et transporte, au-delà de leur compréhension, son excessive lumière échancrée. Il demeure, pendant son reploiement, l’axe du renversement du réel, la puissance de dislocation qui féconde. Et relance...
Sachant qu’à la suite, Jean Bollack se livre à une éblouissante lecture insistante de ce grand poème.
Ajout tout personnel : je n’aurai garde en l’occasion, d’oublier la générosité de Jacques Dupin, et sa façon d’exprimer au plus près comment il avait été touché par certains livres : Nicolas Pesquès (revue Scherzo), Jean-Michel Reynard (préface de L’eau des fleurs), ou encore Philippe Rahmy (mémorable lecture de la postface de Mouvement par la fin au musée Zadkine).
— Champ lacanien, Lacan, psychanalyste. Témoignages
Le numéro 11, mai 2012, de cette revue de l’École des forums du Champ lacanien, propose en son dossier quelques uns des témoignages présentés lors d’une journée Jacques Lacan, psychanalyste, à l’occasion du 30° anniversaire de son décès en 2011. Je laisse aux femmes et aux hommes de l’art, praticiens de la psychanalyse d’en prendre connaissance, en indiquant à ceux qui n’en sont pas, leur accessibilité et aussi un moyen de prendre conscience de la longue chaîne dans laquelle s’inscrivent les psychanalystes, qu’il est un temps pour le comprendre [30], comme par exemple la réunion de ces témoignages.
Qui compulsera le sommaire de ce numéro [31] pourra aussi remarquer la présence Bernard Baas, cité plus haut (Unbehagen & Krisis), cette fois, l’examen du sens du politique, recourant à l’appareil conceptuel de Lacan pour relire Hannah Arendt.
J’ai lu admirativement, j’y reviendrai, une fois lus les prochains livres de Dominique Meens [32], une passionnante étude de Graciela Prieto, « Gil Joseph Wolman, l’homme séparé » : grossièrement dit l’homme de l’Internationale lettriste avec Guy Debord, des mégapneumes, de l’art scotch, relu à l’aune de la tradition juive et de la topologie lacanienne. Brillant, structuré, convaincant.
Enfin les lecteurs de Philippe Forest, ceux qui éprouvent de l’intérêt pour le roman du je — j’en suis, fidèlement — et qui ont découvert la collection initiée par Isabelle Grell aux nouvelles éditions Cécile Defaut [33], feront leur miel de « Ulysses for Dummies ? » c’est à dire « Ulysse pour les Nuls ? », une belle recension de Marie-José Latour de Beaucoup de jours d’après Ulysse de James Joyce.
[1] Bernard Magné, « "53 jours" : pour lecteurs chevronnés », Études littéraires, Volume 23, numéro 1-2, été-automne 1990, p. 185-201, Georges Perec : écrire / transformer. Sous la direction de Bernard Magné.
[2] Schlegel, Novalis..., Athenaüm, fragment 125, Gerda Heinrich, 1984, p. 78, cité par Nella Arambasin, Aira en réseau : une « œuvre commune », Presses Universitaires de Franche-Comté, 2005.
[3] Et de renvoyer aux livres et travaux de Nathalie Zaltzman, les siens, et de ceux qui en maintiennent la fécondité.
[4] Lignes n° 38, mai 2012, Littérature & pensée, éditions Lignes, 2012.
Sommaire :
MICHEL SURYA, Invitation I. VÉRONIQUE BERGEN, Penser l’autre de la pensée ; PHILIPPE HAUSER, La place d’Antigone ; ALAIN HOBÉ, Littérature pensée ; JACQUES BROU, La Pansée ; MATHILDE GIRARD, « ...jusqu’à l’irresponsabilité » II. PHILIPPE LACOUE-LABARTHE & MATHIEU BÉNÉZET, L’Intimation ; JACOB ROGOZINSKI, Déporté loin de soi ; FRANCIS COHEN, « Roger Laporte ». une entre-prise biographique ; SYLVAIN SANTI, D’une pensée l’autre. Christian Prigent ; MICHAËL TRAHAN, La vie écrite de Jean-Michel Reynard ; PHILIPPE BECK, L’ironie de la basseur ; GISÈLE BERKMAN, Cri écrit de la pensée ; BOYAN MANCHEV, Poésie et désorganisation III. JEAN-PAUL MICHEL, « Un à-pic, comme l’existence » ; ALAIN JUGNON, Begriffdichtung ! ; OLIVIER JACQUEMOND, « Il faut marcher » ; LÉA VEINSTEIN, La philosophie au cœur de la fiction ? ; FRANÇOIS BRÉMONDY, Naif examen de quelques paradoxes de Maurice Blanchot ; MICHÈLE COHEN-HALlMI, L’application du livre IV. LAURENT EVRARD, Lire, écrire, forme de la pensée ; EMMANUEL LAUGIER, Poussière ; MARC NICHANIAN, De L’archive III. Le secret. ; FRANÇOIS ATHANÉ, Penser sur les traces d’Artémis.
[5] De Michel Surya, les éditions Gallimard ont réédité récemment, Georges Bataille, la mort à l’œuvre dans la collection Tel. L’éditeur souligne : « L’ouvrage de Michel Surya permet de lire Bataille dans sa totalité. Biographie (la place faite à la vie de cet auteur y est en effet considérable), Georges Bataille, la mort à l’œuvre est également un essai de référence pour qui veut comprendre Bataille ».
Depuis la première publication (Séguier, 1987), puis sa publication en 1992, aux éditions Gallimard, ces assertions n’ont pas été démenties ; cette réédition, l’année du cinquantenaire de la mort de Georges Bataille vient les confirmer.
[6] Jean-Paul Michel, "Je ne voudrais rien qui mente dans un livre", Flammarion, présentation par Claude Chambard.
[7] Voici le site des éditions
[8] Éclairons : « Qu’est-ce qu’une œuvre d’art ? Le précipité inconfondable d’un assaut d’impossible en face. Disons : Cézanne. Non pas seulement le résultat calculable d’une intention, mais toujours aussi l’incalculable qui suit, dans cet objet stupéfiant (intrigant, d’apparence contingente, d’allure inconnue), de la rencontre de tel événement, dans le registre de l’expérience effective, sous tel rapport irreproductible, la lumière de telle heure de ce jour-là, en tel lieu situé de l’espace, et sous cet angle-ci, par tel sujet passionné, présent à son acte ». Jean-Paul Michel, Lignes, op. cit., p. 187.
[9] Gisèle Berkman, Ce qui nous empêche de penser (II), séminaire au Collège international de Philosophie.
[10] Outre l’œuvre de « Roger » (voir bibliographie chez POL), comment ne pas évoquer quelques lecteurs, Isabelle Baladine Howald, « Lacoue », Frédéric-Yves Jeannet, Liliane Giraudon, Marcel Cohen, Thierry Guichard (lire)... Par affection spéciale, je cite cet introuvable Souvenir de Reims et autres récits (Fata Morgana, 1972, POL, 1979), cité ici.
[11] Collectif (dir. Isabelle Alfandary, Chantal Delourme, Richard Pedot) Lire (depuis) Le Malaise dans la culture, éditions Hermann, 2012. Avec pour sommaire :
ISABELLE ALFANDARY et CHANTAL DELOURME, Avant propos ; RICHARD PEDOT, Oripeaux et oriflammes : Conrad-Freud, aller-retour ; BERNARD BAAS, Unbehagen & Krisis ; ÉRIC LEROY DU CARDONNOY, Culture chez Sigmund Freud
et civilisation chez Norbert Elias ; EMMANUEL RUBIO, André Breton, Sigmund Freud et l’inconscient capitale ; JACQUES LE RIDER, Perspectives de la culture-analyse ; SOPHIE MARRET, Le commandement du Surmoi
au temps de l’inexistence de l’Autre ; CLOTILDE LEGUIL, Lire le Malaise dans la civilisation à l’ère du Surmoi hédoniste et évaluationniste ; ERIC LAURENT, La lucidité psychanalytique et son Malaise ; NELLA ARAMBASIN, Malaise au Musée : la Kulturkritik de Thomas Bernhard
[12] Lire (depuis) Le Malaise dans la culture, dont voici le dépliant, s’inscrit un projet pluriannuel, très riche : ouvrir les (discrets) onglets qui en désignent les étapes annuelles.
[13] Nella Arambasin a pour champ de recherches l’esthétique anthroplogique : j’ai pu feuilleter (merci la B.U.), et j’espère m’y engager : Littérature contemporaine et histoires de l’art, chez Droz, avec ce sous-titre : Récits d’une réévaluation (2007).
[14] Thomas Bernhard, Maîtres anciens : comédie, collection Folio.
[15] ...qui a un passé pareillement long et riche en substance et dans lequel donc rien de ce qui s’est passé une fois n’a disparu, dans lequel à côté de la dernière phase de développement, subsistent encore également toutes les phases antérieures.
Sigmund Freud, Le Malaise dans la culture, Quadrige/PUF, pp. 11_12.
[16] Dans l’Almanach surréaliste du demi-siècle, inséré dans La clé des champs, Pauvert, p. 228 sq. dans les O. C., tome III, p. 889, sq.
[17] “ Équation de l’objet trouvé ”, dans la revue Documents34, Bruxelles, numéro spécial, “ Interventions surréalistes ”, juin 1934, voir aussi le chapitre III de L’Amour fou, Giacometti et Breton, retour du marché aux puces. Avec L’exclamation de Freud : « D’Éros et de la lutte contre Éros », p. 45, dans l’édition NRF, au 2° P.-S. et la mention d’une lettre de Joë Bousquet, que Breton déclare avoir symptomatiquement perdue (c’est lui qui souligne).
[18] De Bernard Baas, nous avions découvert l’impressionnant travail chez Hermann La voix déliée et en avions vivement suggéré la découverte .
[19] En 2000, le colloque Lire depuis le Malaise se tient en 2010 ; à lire la présentation aux éditions Galilée, d’États d’âme de la psychanalyse.
[20] Norbert Elias, Au-delà de Freud. Sociologie, psychologie, psychanalyse La Découverte, "Textes à l’appui" ; à lire cette recension du journal Le Monde (22/09/10).
[21] Sophie Aouillé & Pierre Bruno & Franck Chaumon & Michel Plon & Erik Porge, Manifeste pour la psychanalyse, La Fabrique Éditions, 2010.
[22] Jacques-Alain Miller trace, dans le séminaire « L’Autre qui n’existe pas et ses comités d’éthique » (mené avec Éric Laurent, 1996-1997, inédit), la ligne de partage entre le Freud du Malaise, son époque et la civilisation contemporaine telle que Lacan nous permet de la cerner. « Le surmoi freudien a produit des trucs comme l’interdit, le devoir, voire la culpabilité, autant de termes qui font exister l’Autre, ce sont les semblants de l’Autre, ils supposent l’Autre, poursuit-il. Le surmoi lacanien, celui que Lacan a dégagé dans Encore, produit lui un impératif tout différent : Jouis ! ça, ce surmoi-là, c’est le surmoi de notre civilisation ».
[23] Il appelle dès lors à ne « plus considérer la moralisation du monde à partir du surmoi, mais à partir de l’inconscient qui désigne ce qui cloche dans le monde », soit à s’orienter à partir du symptôme, l’appareillage signifiant de la jouissance, suivant les pas de Lacan qui nous porte à considérer la fin de l’analyse à partir de l’identification au sinthome, comme l’a formulé Jacques-Alain Miller. S’orienter sur le symptôme, c’est viser une jouissance civilisée sans céder sur son désir, ni faire l’impasse sur la jouissance comme le fait l’idéologie qui prétendrait que tout le réel peut s’écrire dans les termes de la science. L’une des conséquences de cette orientation tient en effet à prendre en compte le trou dans le savoir, le « non rapport sexue ! », comme le formule Lacan, soit ce qui « ne cesse pas de ne pas s’écrire » et ce qui lui supplée : l’amour.
[24] Cet article de Clotilde Leguil, et au surplus une recension de son livre dans le bulletin Lacan Quotidien, par Serge Cottet, n’auront pas manqué de donner le goût d’aller à la rencontre de livre, beau morceau d’épistémologie pour son auteur, au surplus retrouvailles éclairées pour les lecteurs de ma génération.
L’auditeur intéressé pourra écouter ou podcaster la rencontre de Clotilde Leguil avec Philippe Petit, émission du 8 juin 2012.
[25] François Richard, Le nouveau malaise dans la culture, aux éditions de l’Olivier ; le dernier numéro de Penser/rêver (21, printemps 2012 peut avec son article « Du style de l’économie libidinale contemporaine » peut en offrir une première idée ; quant au concept de subjectivation qui renvoie à Breton, L’Amour fou, p. 10 ("en raison même de la subjectivation croissante du désir"), l’ouvrage de ce nom aux éditions Dunod aura assuré la promotion.
[26] Et par pirouette, d’en appeler à la poésie, lorsqu’à l’instar du dernier recueil de Christian Prigent, La Vie moderne - c’est vrai des précédents - elle vous met le nez dessus. Pour carnavaliser le Malaise :
(du neuf sur les philtres)
In love en cinq secondes chrono c’est du
Gâteau à l’apéro (cocktail dopamine
Ocytocine et la dose adrénaline
Pour surexciter via le bulbe le cul).
Forza nave va vita nova vieni
Amore à l’euphorisant effet coca
Ïnérotomane ou lâche l’affaire i
Llico et studia la matematica :
Ciao ! Foudre au cœur ou foutre au cortex
Idem ibi nunc ailleurs pareil c’est sex
Orgone ou la zébrure organique aux zones
Ad hoc et va pas nous pomper plus l’ozone.
Christian Prigent, La Vie moderne, POL, 2012.
[27] Europe, Jacques Dupin, 2012.
[28] Champ lacanien, Lacan, psychanalyste. Témoignages, N° 11, mai 2012.
[29] Jean-Claude MATHIEU : L’œuvre intègre de Jacques Dupin. Paul AUSTER : Comme un frère. Jacques DUPIN : La Mèche. Jacques DUPIN : Amuse-gueule. Marcel COHEN : Portrait induit avec apparitions du poète.
L’acte d’écrire
Dominique VIART : Matières du poème. Jean-Claude MATHIEU : La langue, écorchée, vive. Mathieu BÉNÉZET : La justice du vers. Nicolas PESQUÈS : Trucs. Michèle FINCK : L’univers sonore. Patrick QUILLIER : L’oreille romane de Jacques Dupin. Valéry HUGOTTE : Croix de bois. Jean MAISON : Heureusement il y a la neige.
Le fil des livres
Piero BIGONGIARI : Jacques Dupin ou l’incandescence de l’image. Arnau PONS : Aux ordres de la nuit.
Jacques DUPIN : Le Soleil substitué. Jean BOLLACK : Une lecture du « Soleil substitué ».
Michèle COHEN-HALIMI : Le poème du Dehors. Francis COHEN : Le théâtre de Jacques Dupin.
Jean-Patrice COURTOIS : La stèle sans témoin de Contumace. Christian CAVAILLÉ : Tenir. Jacques Dupin / Ludwig Wittgenstein, parallèles.
L’espace de la peinture
Alain VEINSTEIN : Mes années Téhéran. Rémi LABRUSSE : « Une solitude à deux » — Dupin et Giacometti. Jean FRÉMON : Miró pris au mot.
Dans l’amitié des poètes
Esther TELLERMANN : Votre envers. John ASHBERY : Le serment du Jeu de paume. François ZÉNONE : Le mot-montagne. Emmanuel LAUGIER : Hanches. Franck André JAMME : Tablette 116.
[30] Cf. Claude Dumézil, Champ lacanien, op. cit., pp. 23-29.
[31] Liminaire
Lacan, psychanalyste. <i<Témoignages JACQUES ADAM. D’un usage éthique de l’inconscient IRÈNE DIAMANTIS • Présence de Lacan CLAUDE DUMÉZIL. Le temps pour comprendre FRANÇOISE GOROG • Lacan et le gay sçavoir ERIK PORGE. Jacques Lacan, psychanalyste et passeur de discours COLETTE SOLER. Effet de transmission
Hommage à Guy Clastres « Je suis médecin psychiatre mais ... » Conférence sur les discours
Clinique BERNARD NOMINÉ • Apprendre de l’autiste DOMINIQUE FINGERMANN • La politique du symptôme dans la direction de la cure SIDI ASKOFARÉ • Symptôme et structure : leçons de l’obsession
Politique de la psychanalyse STÉPHANIE GILET-LE BON. L’affaire du 9 octobre COLETTE SOLER. Le passeur
ELiSABETE THAMER • Le discernement du passeur
Entre champs BERNARD BAAS. « Ab-sens » du politique
Étude GRACIELA PRIETO • Gil Joseph Wolman, l’homme séparé
Lectures CHRISTOPHE FAURÉ. M. Bousseyroux, Au risque de la topologie MARIE-JOSÉ LATOUR. Philippe Forest, Beaucoup de jours d’après Ulysse de James Joyce FRÉDÉRIC PELLION • Paul Jorion, Le capitalisme à l’agonie
[32] L’auteur, aux éditions POL, ou sur son site, assezvu s’est déjà exprimé à propos de Gil J. Wolman ici et encore ici.
[33] Des premiers livres de la collection « lelivrelavie », la lettre de la magdelaine a rendu compte.