« La circonstance rôde, l’émotion veille. »

31/12/2012 — Pierre Reverdy, Jean-Patrice Courtois, Daniil Harms, Antoine Emaz, Roger Caillois, Cristina Campo, Laurent Albarracin


Ici [1] Jean-Patrice Courtois, lecteur de Reverdy, est notre guide, non pour l’Inferno, mais en vue de « l’Éden entre les lignes » :

« Si l’émotion n’est pas un sentiment, ou une personnalité sentimentale, elle n’est pas non plus une forme. Car la forme n’est pas le moyen de l’émotion. Reverdy l’écrit : « Je ne suis pas, au surplus, à la recherche d’une forme quelconque. Je n’en connais pas qu’il me plairait de revêtir » [2]. Chercher une forme, c’est la séparer de la substance, alors que le poète doit « chercher partout et en lui-même la vraie substance poétique », et c’est « cette substance qui lui impose la seule forme qui lui soit nécessaire » [3]. Apollinaire est plus que sa forme, « qu’il avait libre ou classique » : « Il y a le poète, le grand poète que l’on sent constamment en lui (...) et à ce niveau où il vaut seulement d’être poète plutôt qu’autre chose » [4]. De même, Baudelaire, là où il est corseté dans le sonnet, a « une substance (...) elle-même assez riche pour conférer à cette forme ancienne une puissance émotive entièrement renouvelée » [5]. La visée de la forme n’est qu’esthétique, sans être une esthétique, c’est-à-dire un ensemble organisé de moyens nouveaux, puisqu’il n’y a « aucun lien entre la sincérité et la forme » et que le souci de la forme se réduit à la « réussite ou échec dans les soins de beauté » [6]. L’émotion est une critique du formel — et cherche la poésie dans le poème. »

« L’Éden entre les lignes », est l’une des contributions au collectif Pour Reverdy, au Temps qu’il fait, [7] réalisé à l’occasion du centenaire du poète (1989).

De ce texte je n’ai gardé que l’émotion, j’aurais pu y ajouter le long paragraphe final s’inscrivant entre : « Il n’y a pas de premier Éden dans la poésie de Reverdy » et « Si bien que son athéisme est un art de l’Éden — le vent en souffle — mais d’un autre Éden, Éden entre les lignes. » (84-85)

Entre les lignes, entre les livres, celles et ceux qui suivent, comme en rêve entre deux années...

Primo, retour à un livre de poésie de Jean-Patrice Courtois, Les jungles plates [8], accueilli en son heure [9] avec ferveur tant pour cause d’obériou [10], que d’apparition sous une forme (des formes !) particulièrement développée d’un ensemble métapoétique [11] empruntant les voies de l’aphorisme, des fragments nonsensiques (chapeau !), espace à la Michaux, où l’auteur comme le lecteur se parcourent, d’une grande drôlerie côtoyant une profondeur souvent vertigineuse, avec des remixes de la leçon des grands aînés, la maîtrise formelle (le froid) ne se dissociant pas d’une énergie, d’une lyrique malgré tout (le chaud), dont effectivement, l’avertissement de Daniil Harms : « L’ordre de succession de la chaleur et du froid est quelquefois énervant » rappelle ce qui se risque dans la poésie telle qu’elle se donne à écrire [12].

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Secundo, et m’inspirant des Rencontres de Roger Caillois (dont Jean-Patrice Courtois est un fin lecteur [13]) : « Au moment où la poésie a rejeté tout corset métrique, il me semble qu’il manquerait quelque chose à une langue si la relève n’était pas assurée par une prose nombrée qui, en dehors des qualités propres à la prose - netteté, densité, précision et propriété des termes -, serait esclave de servitudes volontaires et calculées, impérieuses, gouvernant jusqu’à chaque syllabe, préoccupée d’harmonie, de cadence et de cet aplomb de la phrase, sans compter l’audacieuse justesse des images, les deux vertus traditionnellement constitutives de la poésie et qui confèrent au discours puissance sur la mémoire. » [14] je mentionne les lectures de Cuisine [15] et de Cambouis [16], d’Antoine Emaz aux éditions publie.net. Il convient de ne pas se laisser impressionner par le nombre de pages, le format et la forme de la note, donnent de justes images du travail et de la réflexion du poète. On ne s’étonnera guère de voir Reverdy [17] fréquemment cité dans le second recueil ; de l’inflexion spécifiquement émazienne, je souhaite citer :

« Dans l’art du peu, ce qui reste devient visible : le nerf, l’os… On le nomme comme on veut : le vivant, la tension, le moteur… Dans l’art du plein ou du riche, les ornements surchargent et finissent par écraser l’enjeu central. Au mieux, on a un feu d’artifice, au pire, un pétard, mais ça ne fait pas long feu. Il faut viser le pauvre, rien d’autre. » (Cuisine, 431)

« La différence entre le banal et le poncif tient peut-être à ce que, dans le dernier cas, on croit écrire du neuf. C’est la prétention de l’auteur qui rend énervant le poncif. Travailler le banal, au contraire, c’est consciemment poser un dénominateur commun de vivre, créer une fraternité grise avec le lecteur, une sorte de communauté pauvre. » (Cambouis, 6)

Tandis que cette question revient à tous :« La question de la survenue du poème n’est toujours pas réglée. Mais c’est peut-être parce que je voudrais une sorte de notice mode d’emploi qui n’existe pas. Créer va toujours vers l’ouvert, le plus loin. Ce peut être du plus loin dans l’œuvre ou du plus loin hors œuvre, pas grave. Mais il faut cette tension du plus loin, comme un levier pour soulever la carcasse de corps/langue. Pour l’instant, c’est un peu comme si intérieurement, inconsciemment, je préférais en rester là. Pourquoi ? » (Cuisine, 8)

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Tertio, à l’écoute de l’entretien d’Emmanuel Moreira et d’Amandine André (La Vie manifeste) avec Michel Surya [18], relativement à son dernier livre Sainteté de Bataille, entretien qui ne fait aucunement nombre avec ceux, qui, déjà ont été donnés ça et là [19], surprise (heureuse) de voir mentionnée Cristina Campo, jugeant sévèrement (qui benet amat...) Simone Weil (ou plutôt ceux qui n’auront pas su selon elle l’accompagner) au seuil de la conversion. C’est renvoyer à ce magnifique recueil (La noix d’or [20]), tout en rappelant que la "trappiste de la perfection" aurait voulu (et ce n’est pas de la pose) écrire moins encore, si ce n’est un « Cantique des sans-langue ». Et à ce texte sans ménagements : Introduction à Attente de Dieu de Simone Weil.

Reprenant ce livre, j’ai parmi d’autres relu « Retour et fuite de Monicelli » (p. 113-120) ; l’auteur m’est venu par la Quinzaine et Jean-Yves Masson. Il impressionne [21] ; il est aussi préfacé par Cristina Campo. Furio Monicelli (frère de Mario), a très vite après Le jésuite parfait, publié Jardins secrets, qui n’a pas été traduit à ce jour. L’un des trois personnages, m’a fait penser à Brûlures de Dolorès Prato [22]. La voici décrite par Cristina Campo :

« Pourtant, il est arrivé quelque chose que Don Antonio n’avait pas prévu, et n’avait pas même désiré, et c’est justement pour cela que c’est arrivé. Tendu avec une fièvre exclusive vers le salut de Sergio - fascinante créature qui brûlait devant lui comme une étoile de sang -, il a tenté de le racheter par le biais d’un amour terrestre, celui d’une orpheline, Anna, pensionnaire dans un couvent de religieuses. Avec Sergio, l’expérience échoue complètement ; mais c’est justement de cette fournaise ambiguë qu’Anna sortira son épée brillante, son intégrité d’être humain. Du ridicule tablier conventuel de la jeune fille maladroite, offerte au jeune garçon ensorcelant et distrait, émerge une créature d’une merveilleuse vitalité, habitée par une brillante vocation à détruire les fausses vocations, les « cérémoniaux de solitude », les « souffrances désolées ». Anna, cette femme tout à fait inhabituelle dans le roman italien d’aujourd’hui, est la seule à avoir aimé Sergio avec une attention intacte et pure. C’est pour cela qu’elle peut laisser son amour derrière elle et le regarder sereinement, comme une peau tombée. Elle a compris qu’imposer le bien n’est pas moins illicite qu’accepter le mal. Ces deux voies découlent d’une faible liberté, d’un subtil sortilège de l’esprit, qu’elle rompt pour commencer en s’enfuyant du couvent. Anna, la seule qui ne cultive aucun jardin secret, vivra et vivra bien - avec danger, grâce et audace. » .

Toute la sprezzatura de Campo !

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Et puisque c’est le moment d’en prendre, voyons les Résolutions de Laurent Albarracin [23]. Publiées au Québec par les éditions L’Oie de Cravan (2012) [24], elles sont distribuées en France par les Belles-Lettres. L’éditeur affiche en quatrième :

Le serpent du paradoxe mord la queue de l’évidence.
« Les aphorismes présentés dans ce recueil, Laurent Albarracin les appelle des résolutions. Non bien sûr parce qu’elles sont censées résoudre quoi que ce soit, mais parce qu’à peine prises, une certaine mise en doute aussitôt les affecte quant à leur capacité à tenir très longtemps devant l’ahurissante évidence de la réalité qu’elles explorent. Comme toute bonne résolution qui se respecte, elles valent surtout pour l’aveu d’irrésolution qu’elles font et qu’elles assument. Les formules qu’on trouvera ici et qui vont du franc paradoxe à la pure tautologie font souvent mouche, à cet égard, par la manière qu’elles ont de se prendre résolument les pieds dans le tapis pour s’étaler noir sur blanc. »

En voici une, pour voir :

« Apercevoir une fourmi en marche c’est se transporter aussitôt dans le monde de la fourmi, ce monde qu’elle a l’air de porter comme le monde éclairant de la facilité. Il est en effet réjouissant de la voir ainsi tracer son chemin parallèle, obstiné et alerte. Que les choses soient occupées à être est le bonheur de voir. »

Une autre, pour conclure :

« Le futur de l’avenir, c’est qu’il devienne un passé. »

© Ronald Klapka _ 31 décembre 2012

[1Jean-Patrice Courtois, « L’Éden entre les lignes », in coll. Pour Reverdy, Le temps qu’il fait, 1990, p. 76 ; de manière un petit peu plus développée : « La poésie n’est pas sans circonstance puisqu’elle en vient, mais elle organise, par l’émotion, son invisibilité. La circonstance rôde, l’émotion veille. »

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[2Pierre Reverdy, Autres écrits, Flammarion, 1975, 212.

[3Pierre Reverdy, Autres écrits, op. cit., 213.

[4Pierre Reverdy, Autres écrits, op. cit., 139.

[5Pierre Reverdy, Cette émotion appelée poésie, Flammarion, 1974, p. 210.

[6Pierre Reverdy, Le livre de mon bord, Mercure de France, 1970, p. 62.

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[7Pour Reverdy, collectif réalisé à l’occasion du centenaire du poète, avec les contributions de Jacques Dupin, Jean-Baptiste de Seynes, Pierre Chappuis, Jean-Patrice Courtois, Philippe Denis, Jean-Michel Reynard, Anne de Staël, Yves Peyré, Antoine Emaz, Michel Deguy, Claude Esteban, Jean-Claude Schneider, Alain Veinstein, Franc Ducros, André du Bouchet, un inédit de Pierre Reverdy : Notes 1945-1946, des illustrations de Brigitte Simon, François Rouan, Charles Marq, l’ensemble réuni et présenté par François Chapon et Yves Peyré, aux éditions Le Temps qu’il fait, 1990.

Au seuil du livre, ils inscrivent ceci : « Les circonstances, le centenaire de Pierre Reverdy, et la méconnaissance qui entoure ce poète majeur ont suscité le projet de ce recueil : témoigner de la place que son œuvre ne cesse d’occuper dans les esprits créateurs de notre temps », ce à quoi elle conduit.

Le résultat est magnifique, et chacune des contributions revêt une haute teneur poétique autant qu’intellectuelle.

[8Jean-Patrice Courtois, Les jungles plates, éditions Nous, 2010.

[9La critique ne s’y est pas trompée qui a voulu s’expliquer avec cette œuvre de prime abord déroutante — et c’est tant mieux, citons notamment (en soulignant que ce sont davantage que des recensions, des débats confraternels, et qui gagnent à être lus attentivement (de l’attention que ces critiques ont donnée), après une première découverte du livre :

— Emmanuel Laugier, présentation dans Le Matricule des anges (111, mars 2010) et développements : « Un nuage sous aluminium » (sitaudis)
— Pierre Campion « Une critique poétique du sens » (site personnel, À la littérature)
— sur le site du même, une recension de Laurent Albarracin
— Antoine Emaz, lecture (poezibao)

[10La publication chez Verdier d’Œuvres en prose et en vers , et la mise en scène au théâtre de la Bastille d’Elizavieta Bam, nous avait conduit à interpeller ainsi Magdelaine :

Elisavieta Bam : Daniil Harms prend la Bastille.
Daniil Harms ! Obérioute toujours !

Oui, on connaît de mieux en mieux, en particulier grâce aux amis du théâtre, mais d’abord dans nos aires francophones, grâce à un jeune russisant devenu depuis professeur d’université Jean-Philippe Jaccard et toujours passionné par l’œuvre.
C’était donc côté suisse. Par chez nous, les éditions Verdier ont fait ce qu’il fallait avec Œuvres en prose et en vers, avec d’excellents extraits de presse (L’Humanité, entretien avec Yvan Mignot, le traducteur, réalisé par Henri Deluy, La Quinzaine littéraire : « L’herbe entre les dalles » par Christian Mouze).

Je lis avec émotion dans les avant-pages : Nous remercions Anna Guérassimova dont le tapuscrit a servi de base à notre édition (992 p. !), Tania et Leonid Pliouchtch, sans lesquels ce livre serait resté une ombre.

Puisque c’est sous le signe de la rhétorique profonde, que je t’écris, comment oublierai-je (que ma droite se déssèche en ce cas) Les notes sur la poétique de D.H. : L’émergence de l’objet non-existant (oui, oui Michaux pas loin) par Mikhaïl Iampolski, d’autant que l’Obériou, c’est l’Association de l’Art Réel — comme toi, je me sens de plus en plus obérioute :

Makarov :« Là, dans ce livre, ça parle de nos désirs et de leur satisfaction. Lis ce livre, et tu comprendras comme nos désirs sont vains. Tu comprendras aussi comme il est facile de satisfaire le désir d’un autre et difficile de satisfaire le sien propre ».
Makarov et Petersen, op.cit., pp. 729-731.

Pour rire profond. Et de comprendre aussitôt ...
Récemment, une première mondiale, Le corbeau à quatre pattes, une création de Krystof Maratka, privilège que de l’avoir écouté sur France-musiques.
Chère Magdelaine, que dirais-tu d’un petit tour à la Bastille, en son théâtre de la rue de la Roquette ? Elisavieta Bam y est donné-e.
« Marqué par le dadaïsme, grand lecteur de Kafka ou de Michaux dont il a même monté des textes au théâtre, Alexis Forestier pouvait difficilement passer à côté d’un poète aussi important que Daniil Harms. » nous-est il dit en présentation.
Tu trouveras dans l’édition Verdier, deux versions d’Elisavieta Bam, la première à la page 144, la seconde dite scénique organisée en tableaux à la page 172 ; en sus une longue note développée aux pages 857-860 : j’en extrais en salut à Christian Prigent, « des sons et de l’exacte grammaire preux chevalier » ce court développement :
Son nom, Bam, peut venir du « carillon contre l’esprit » dans le Zanguézi (1922) de Khlebnikov, où l’onomatopée représente une des sonorités de la cloche. Ajoutons qu’en russe le battant de la cloche se dit iazyk, c’est-à-dire « langue ». Si on accepte ces termes, toute la pièce est l’histoire de la capture d’un son, ce qui, en termes khlebnikoviens, équivaut à l’arrestation du sens.
N’arrêtons surtout pas de lire (et de faire lire) Harms, sinon, retenons-en l’avertissement : « peu à peu l’homme perd sa forme et devient une sphère. Et devenu une sphère l’homme perd tous ses désirs. » (Makarov et Petersen).

Et aussi cette question (au détour de la mention de Quelque chose cloche) :
Suzanne Doppelt serait elle obérioute ? Je pense à « Des phénomènes et des existences n° 1 » (Œuvres en prose et en vers, Daniil Harms, Verdier, p. 589-90, au dialogue de Moustikov et de Michel-Ange (sic), je donne juste ceci :

Dans notre maison vit un certain Nikolaï Ivanovitch Stoupine, il a une théorie, c’est que tout est fumée. Mais selon moi, tout n’est pas fumée. Peut-être qu’il n’y a même aucune fumée. Il n’y a qu’une simple division. Mais peut-être qu’il n’y a même aucune division. Difficile à dire.
On dit qu’un peintre célèbre regardait un coq. II le regarda, le regarda, et parvint à la conclusion que le coq n’existait pas. Le peintre en parla à son ami et celui-ci éclata de rire. Comment ça, dit- il, il n’existe pas, alors que, dit-il, il est là et bien là et, dit-il, je l’observe parfaitement.
Le grand peintre baissa alors la tête et se rassit derechef sur son tas de briques.
C’EST TOUT.

extrait de la lettre du 5 mars 2007, « Rhétoriques profondes »

[11Un entretien de Jean-Patrice Courtois avec Emmanuel Laugier pour la revue Prétexte en est un excellent marqueur. Les Jungles plates comme une réponse à :

« Le lien entre l’impossibilité d’émanciper le poème et son émancipation à venir, c’est la parole. Mais il faut bien entendre que tout poème est une mise en mouvement de la parole qui ne veut être surplombée par rien. C’est une parole qui déroute tout, y compris toute interlocution. Il y a donc une marge, une petite marge, où la parole est en mouvement et où la parole se refait un interlocuteur. Et elle ne l’est que si et seulement si elle est capable d’engendrer le poème sans se soucier de sa forme. Plus rien ne s’anticipe alors veut dire : cela témoigner d’un fragment d’existence qui doit témoigner en même temps de ce que doit faire le poème : toujours se tenir dans un intermédiaire saillant où se note un vide, où plus rien ne s’anticipe et ou tout s’anticipe. C’est cette zone vide, à laquelle est suspendue le poème qui conduit à penser qu’écrire ne se soucie jamais de la forme qu’il va prendre. Je n’aggrave pas les angles, mais je cherche à rendre lisibles le chemin qui y mène, ses détails, ses impasses, ses folies. Il ne s’agit pas d’épargner quelque chose (un sublime souterrain interrompt la lumière dans les courbes si, justement, la source n’est plus visible - je ne dis que ce que je vois et comment je suis en train de le voir). Ni épargner, ni s’économiser un détour. Il fait nuit et nous ne le savons pas, il fait jour et nous ne le savons pas. On peut faire quelque chose de ça ? »

[12Le tout qu’apporte la connaissance sensible du rien, tel que supra, le dialogue de Moustikov et Michel-Ange « l’illustre », mais plus « parlante » que tout la visite de Jean-Patrice Courtois au Collège des Bernardins pour l’exposition d’oeuvres de Judith Scott. Découverte au détour d’un entretien en 2003 de Robert Harvey avec Eve Kosofsky Sedgwick (lisible dans la revue Rue Descartes numéro 40, « Rythmes et formes discordants »), sa mention dans la revue Secousse (la sixième) ne pouvait me laisser indifférent, « Voir l’énigme de Judith Scott » est grand texte pour une grande œuvre.

[13Cf. « Il y a donc bien une poétique pour l’écriture de Pierres, subtile et délicate. L’apparente confusion linguistique ou sémiotique permet de donner la tension et le mouvement d’une poétique et non de tirer les bénéfices métaphoriques d’une parole enfermée dans les pierres à force de mots qui ne se seraient pas éloignés d’elles. Non seulement, comme on l’a vu, il ne s’agit pas de prêter .un langage aux pierres, mais « les pierres ne donnent rien à lire ». On voudrait désigner cette tension d’une poétique en trois endroits.
D’abord, la découverte d’une eau, par cristaux interposés, dans un nodule d’agate crée le « désir [...] d’apercevoir cette eau antérieure ». Ce désir est enclos lui-même dans ce que j’appellerais une écriture de l’aubaine, c’est-à-dire la soumission aux « objets de rencontre » dont on sent qu’ils ont la faveur de Caillois. » [...]
Jean-Patrice Courtois, « Roger Caillois, vers une poétique du modèle des pierres », in Jean-Patrice Courtois, Isabelle Krzywkowski (édrs), Diagonales sur Roger Caillois, Syntaxe du monde, paradoxe de la poésie, éditions L’Improviste, 2002.

[14Roger Caillois, Rencontres, PUF, 1978, p. 6.

[15Antoine Emaz, Cuisine, publie.net, 2011.

[16Antoine Emaz, Cambouis, publie.net, 2010.

[17Antoine Emaz a réuni et présenté pour un supplément de la revue Triages, Vingt-trois poètes et REVERDY vivants, Tarabuste éditions, 2008. Voir cette présentation de Tristan Hordé.

[18Michel Surya à propos de Georges Bataille, entretien.

[19Entretiens, pour non-fiction, la revue Le Portique, pour la MEL au Petit Palais, à lire "Seul, saint et fou" par David Amar, site des éditions de l’Eclat, notre lettre du 03/10/2012.

[20Dont parle la lettre Sotto falso nome.

[21Paru en 1960 sous le titre Le jésuite parfait, le livre de Furio Monicelli a été réédité en 1999 sous celui de Larmes impures (avec lequel il a été chroniqué) et a obtenu le prix International de la foire de Francfort.

[22Voir Toucher/écrire, lettre de 2003.

[23Laurent Albarracin est poète et donc lecteur de poésie, éditeur : Le Cadran Ligné (rappel reverdyen), éminent membre du « Cercle du Caret », mystérieusement animé par Ivar Ch’Vavar dont il a préfacé Travail du poème, aux éditions Les Vanneaux.

[24Voir le catalogue.