les mots pour le dire

03/02/11 — Claude Louis-Combet, Bérénice Constans, Anne-Marie Luminet, Félix de Recondo, Virginia Woolf, Heather Dohollau, Mathias Perez, Jacques Lacan, Serge André, Aurélie Gravas, François Duparc


Les mots pour le dire, avec des artistes, poètes et psychanalystes.
Au menu : non pas saucisse et merluche, objets de la réflexion métapoétique de Virginia Woolf en son Journal ; Virginia Woolf qui ouvrit la Venelle des portes d’Heather Dohollau qui nous convie ici à regarder de face :

— les artistes célébrés par Claude Louis-Combet, Bérénice Constans et Félix de Recondo, les papiers retrouvés d’une poète : Anne-Marie Luminet

— l’Origine du Monde, telle que vue par Mathias Perez, Christian Prigent et avec un bel humour, par une jeune artiste : Aurélie Gravas
pour nous "brancher" sur Lacan : points de repère ; livre posthume de Serge André tandis que François Duparc et ses confrères relisent Jacques Lacan "au fil du miroir"

et conclure avec Pascal Quignard : « M’aimiez-vous avant que je fusse ? »


Regardons maintenant de face :

D’où part le cri

Quel est le tir, la cible

Heather Dohollau [1]

Lettre placée donc sous l’égide de qui écrivit : « Habiter son visage comme le vent la voile » [2].

Avec Claude Louis-Combet, Des artistes, encore : Bérénice Constans, Félix de Recondo ; une poète : Anne-Marie Luminet

Claude Louis-Combet, est un de nos chênes littéraires dont la production à l’instar d’un Yves Bonnefoy [3], ne faiblit pas, quantitativement c’est impressionnant, qualitativement cela ne l’est pas moins, se faisant hospitalière à l’égard d’oeuvres, certes en résonance avec la sienne, mais les enrichissant en retour de belles harmoniques.

Le volume Des artistes, aux Presses universitaires du Septentrion, évoqué naguère [4], a souligné cela. Les ouvrages qui seront mentionnés en confirment la teneur et la portée.

La chambre aux gloses secrètes de Bérénice Constans

A propos de Bérénice Constans, illustratrice élue [5], on a déjà pu lire :

« De Bérénice Constans, il suffit de savoir qu’elle est le trait qui contourne le dessin et le laisse rêver, un instant, entre ombre et clarté. Elle est cette prolifique puissance de formes insolites, incitatrices de songes et, plus radicalement, de désirs que l’on ne saurait identifier car ils se tiennent encore dans les limbes, en deçà de toute histoire : songes et désirs de figures en chemin mais qui ne verront jamais le jour dans lequel, ordinairement, nous existons. [...] Cette engeance graphique qui pousse la gravure vers les abîmes de l’intériorité évoque l’arrière-faix de nos âmes tantôt tranquilles tantôt pathétiques. Douceur et voracité, violence et passivité : ainsi s’inscrit, dans un espace minime mais plein, la pesanteur du filigrane. » [6]

Avec La chambre aux gloses secrètes, aux éditions Virgile [7], c’est davantage que la circonstance d’une exposition qui nous convie à approcher plus encore, une oeuvre — peintures, gravures, dessins, mais aussi textes — qui se constitue en solitude depuis les années 80. Le titre retenu évoque ceux, souvent mystérieux et pleins de poétiques sortilèges de l’artiste, — le nom donne une forme dit-elle ; prenons par exemple ceux des illustrations :

Lovée au bas de la colonne vertébrale (couverture) ; Je garde ce que j’ai vu sous mes paupières, /les poings fermés (5) ; Sur l’arête de la pointe des pieds, /coincée dans un mouchoir de poche (21) ; Ainsi vue et ainsi marquée,
/la tête de marbre élargira ses veines et ses artères (41) ; Entre les deux pôles d’un axe unique, /la tache est l’œil qui ouvre le passage (57
)

pour la seconde des illustrations : crayon sur stabiphane, les autres : encre sur calques polyesters superposés ; la mention des techniques et moyens employés importe pour souligner leur congruence avec le projet artistique, dans sa double dimension d’écriture, plastique et littéraire.

Avec Claude Louis-Combet, tenons un fil : la pureté. En lui se tressent féminin, deuil de l’innocence, horizon de contemplation. Ceci ouvert, s’en déclinent les thèmes (qui lient techniques et visées de l’expression) : empreinte, ombre voile, puis calque, peau, honte, "manifestant" une pudeur expansive, et ici la référence à Odilon Redon n’est pas fortuite, en quelque sorte le "secret" :

« Je travaille pour découvrir ce que je ne sais pas. Un secret que personne ne pourra m’extorquer, qui n’est inscrit nulle part. Le calque que j’utilise est cette transparence polie et jamais traversée. De l’autre côté, il y a le savoir, la distance, le vouloir. Je ne veux rien. Je ne sais rien. Mirée dans la tache, je suis mise à nu et découverte par ce qui exige de naître. Tout ce qui se construit parle du vide, de l’immense vide qui appelle jusqu’au bout du bout du point, au centre du cercle, dans l’état hypnotique de non-pensée. »

Enfin, les mentions de Schibboleth (Les Cahiers du), de Litterritoire et de Shushumnà précisent la tonalité de ce qu’a ci-dessus relevé Claude Louis-Combet dans ce texte daté de 2009, nous invitant ainsi à éprouver la beauté d’une oeuvre authentiquement « sushumniaque » [8].

Des transes et des transis /Félix de Recondo

Il y a dans les dessins et dans les photographies des sculptures de Félix de Recondo, de ses « transis » un je-ne-sais-quoi qui nous rendrait familier l’infamilier. Des gisants, nous rappelle Claude Louis-Combet, appartiennent à la classe supérieure des défunts. Il n’en va pas de même des transis (il s’agit d’hommes pour l’essentiel) et autres sculptures de Felix de Recondo qui « nous dévoilent ce qu’il en est de l’homme lorsqu’il s’est défait de sa devanture » [9].

Étranges transis, tels que nous les apercevons dans le cahier de photographies qui clôt l’ouvrage paru aux éditions Fata Morgana [10] : personnages emplis de stupeur, proches de certains portraits de Jean Rustin, comme s’arrachant à la glaise, comme s’ils allaient figurer l’épisode des ossements desséchés se retapissant de peau, aux mains demesurées, aux chairs ballonnées, parfois éventrées, transis éloignés de toute cosmétique, mais tellement humains dans leur défiguration, dans l’abandon de toute pose : sic transit ...

Les dessins, tout en finesse, quant à eux dans le trait, ne sont pas sans rappeler tantôt les volumes inhabituels, tantôt la précision anatomique de certains membres, l’insolite de leurs formes déroute (comme des grotesques de nos cathédrales), mais la douceur des lignes et des ombres en atténue le côté possiblement effrayant.

Le texte qui les accompagne épouse ce que telle ou telle anatomie suggère ; aussi, p. 27/28 par exemple s’énonce la transe de certains de ces transis :

« Et leur corps se soulevait et s’enfonçait, il entrait en vibration et en secousse, tendu, arqué, dans la douleur jusqu’au point grand ouvert de la jouissance, celle qui creuse et qui déchire, qui écharpe et dilacère et secoue les membres dans leurs jointures. Ils trouvaient dans la mort ce que la vie ne leur avait jamais donné. A l’instant où s’effondrait la conscience du jour, la terre mêlée à leur substance les précipitait dans le vide du crâne et dans la ténèbre du cœur. Ils devenaient ce qu’ils étaient au fond d’eux-mêmes : l’insatiable désir de la nuit au-dedans de la nuit. Et transis, ils se tenaient en offrande autant qu’en rebut, tout leur corps ravagé dans la mémoire de la transe. »

Rôdeuse éblouie de l’abîme /Anne-Marie Luminet

« Aussi ne pouvait-elle être que poète, le temps d’un éclair, et puis rien. » Telle, nous révèlent Anne-Marie Luminet (1948-2007), la préface de Claude Louis-Combet, qui la connut, et « la liasse de feuilles volantes, dacctylographiées, ramassant en pur désordre, les traces écrites et la toute présence de la jeune fille des années soixante-huit », qu’a rassemblées Michel Falempin en un cahier de poésies, dans la collection Levée d’ancre, aux éditions L’Harmattan [11].

En effet les textes, qui comportent aussi des proses, réunies en fin de volume, correspondent à une brève période de l’existence, trois/quatre années de l’adolescence en son plus haut, déchirements de l’amour et beauté du monde entremêlés.

Voici l’un d’entre eux :

Pour avoir rêvé à ton épaule
le monde entier s’y couche pour finir

    quand je te vois

paupières brèves d’îles frôlant l’Espace
ma nuit cardée d’incisives neigeuses
le chancre bleu progressant en aveugle
à travers les brouillards éteints

    quand tes mains se posent
    pluies froissées d’orages

la lumière aux mille têtes abattues doucement obstinées
la lumière à jamais verrouillée d’un baiser
la lumière la lumière

   — comme l’enfance d’une plainte
    aux limites d’aimer

L’on sera peut-être surpris de ce qui semble distance incommensurable à l’air de ce temps-là où se lisent - repris du tiroir aux secrets - « les mots d’une passion et toutes les visions d’un regard au-dedans ». Mais qui dira ce que recèlent ces lignes du 22 septembre 1968 :

Surgi de partout
il est un printemps qui tue
brutal et tendre comme un enfant

Le vent d’octobre chasse les écolières
au plus sombre des forêts
qui dira ce qu’elles rêvent
folles d’exister du bout des lèvres. [12]

L’Origine du monde au miroir, des peintres, de la psychanalyse, du poème

Haddock &t sausage meat. I think it is true that one gains a certain hold on sausage &t haddock by writing them down.
Virginia Woolf [13]


— La revue Quarto, n° 97

Stella Harrison cite ce passage du Journal ainsi que quelques autres, dans son article Virginia Woolf, bataille vers un sinthome, dans la revue Quarto n° 97 (avril 2010), pp. 79-82, préfigure, on peut l’imaginer, de Virginia Woolf, l’écriture refuge contre la folie, livre à paraître aux éditions Michèle, [14]
Ce numéro de la revue de La Cause freudienne chez nos amis belges s’intitule La tentation hystérique et du tout « littérature ».
Cet article sera profitable aux familiers des concepts : lalangue, objet a, sinthome, jouissance (dont aucun enjoyment, ni joy, nous dit-on, ne peut en rendre gorge. Côté littérature, on lira un entretien à plusieurs voix avec Ginette Michaux à propos de son livre : De Sophocle à Proust, de Nerval à Boulgakov [15], ainsi qu’un autre avec Philippe Forest, dont cette définition, rare, du lyrisme :

« [...] la vraie question est celle du lyrisme. Comment faire chanter le texte de manière à ce qu’il réponde au chant que le monde lui adresse ? Cela suppose un certain travail sur la musicalité de la phrase. Mais surtout le chant passe par le chanteur : il ne vient pas de lui, ne s’arrête pas à lui, ne lui appartient pas en propre puisqu’il ne fait que l’interpréter. Le lyrisme n’est pas l’expression du moi. Il est un art qui suppose au contraire le sacrifice du moi et se trouve indissociable d’une expérience de la dépersonnalisation. » (à propos de la voix de Lou, appelant le narrateur à l’amour au début du roman [Le nouvel amour [16]]et lui donnant, la voix, à la fin de celui-ci, la certitude de l’amour toujours là.

Reste à chanter toujours, L’Origine du monde, et nous est ici donnée à découvrir l’oeuvre de Mathias Perez. A cet égard Christian Prigent formule dix propositions passionnantes. J’isole la deux :

« Pérez reprend le tableau de Courbet, L’Origine du monde. On dira qu’il le paraphrase (au sens où les poètes du XVIe siècle paraphrasaient les psaumes du roi David). Il retient également le dispositif qui à la fois le cachait et le montrait dans l’appartement d’un fameux psychanalyste : un volet de bois qu’il faut ouvrir pour voir la peinture (on dit que ce volet montrait jadis une œuvre d’André Masson [17] ). »

et la neuf :

« On passe ici Courbet au bleu. Ce bleu, sans nul doute, vient de Matisse. Du bleu, la physique nous apprend que c’est la couleur qu’on perçoit sans qu’aucun contour soit requis pour. La couleur du sans limite. Voire de l’annulation des limites. Celle dont la langue nous dit que ne voir qu’elle est ne rien voir. Le bleu de Pérez nous ébleuit et nous aveugle d’un éclat moqueur. Il colore un quartier de corps découpé à plat, sans profondeur ni aura. Sexué, cependant. Voire rien que sexuel. Mais dont éblouit surtout l’évidence plate, sans mystère, sans secret. En lui ne s’ouvre rien d’autre qu’un trou infime ouvert au point de fuite. Par ce vide insignifiant, l’emphase de la peinture et les pseudos mystères du sexe s’écoulent ensemble en eux-mêmes, sempre da capo, avec un agaçant petit bruit de lavabo vidé. » [18]

— Aurélie Gravas

En tous cas, avec le tableau d’Aurélie Gravas, on ne pourra plus dire qu’il n’y a pas de prise ! Cette jeune artiste [19] vient d’exposer à la galerie Marie Cini [20], un tableau qui porte ironiquement ce nom, dans une belle série intitulée Oslo.
On comprendra sans peine qu’un éditeur (La Muette, Bruxelles) mette en couverture d’un livre consacré à la découverte de Lacan, un tableau ainsi intitulé. C’était le projet d’origine, peut-être que ce sont les "Points de repère" qui ont inspiré de ne garder que le détail signifiant ! Aurélie Gravas ne déclare-t-elle pas elle-même :

« Laisser la toile en l’état lorsqu’un équilibre fragile porte l’ensemble du projet. Le propos est ténu, il tient à des détails infimes qui suspendent le regard. Une lampe n’est pas branchée : c’est la lumière du tableau qui éclaire la lampe. »

— Lacan, avec Serge André, avec François Duparc & alii

C’est en effet ainsi, peut-on affirmer, que procède l’auteur de l’ouvrage, Serge André (1948-2003). Les lecteurs de Lacan : points de repère
 [21], retrouveront les talents d’exposition (c’est le mot) de l’auteur de Devenir psychanalyste et le rester, ainsi que de L’épreuve d’Antonin Artaud et l’expérience de la psychanalyse [22].

Mot commun aux sciences de l’éducation et à la psychanalyse, le terme didactique (nom commun) prend ici tout son sens.

Ce qui peut ressembler à un manuel, à un compendium, constitue en effet une excellente ouverture à la théorisation lacanienne, en quoi elle renouvelle et prolonge les découvertes freudiennes, constitue une invitation au voyage tant dans les livres (Écrits, séminaires, la cohorte des commentaires en livres et en revues) que dans l’expérience singulière, et ce qui la maintient : à cet égard, je m’autorise à recommander le remarquable collectif L’invention du psychanalyste, sous la direction de Claude Dumézil et Bernard Brémond [23]. Au travers d’un dispositif particulier, le trait du cas, c’est « du désir d’analyste en acte pour en éclairer les zones d’ombre et le garder vivace dans la conduite des cures », qu’il est question. Les littéraires (et aussi les lecteurs de Michel de Certeau : la représentation déguise la praxis qui l’organise) seront sensibles au concept de fiction tel que le développe Bernard Brémond.

Le parcours du livre de Serge André est simple, après l’introduction, les propositions (et chapitres) : Le signifiant, Le mythe lacanien, L’instance de la lettre, La répétition, La négation, La dénégation, Le sujet, Le transfert, L’objet a, Le fantasme, La jouissance, Les quatre discours. Rien que de classique, sauf à percevoir le fil du concept de sujet au travers des grandes scansions de l’enseignement de Lacan : identification imaginaire, systématisation du symbolique, rencontre du réel.

Le lecteur qui a été tenu par la main, lâchant celle-ci, trouvera dans Jacques Lacan, une oeuvre au fil du miroir, sous la direction de François Duparc aux éditions In Press [24], de quoi éprouver sa lecture. Je recommanderais en particulier plutôt que d’aborder linéairement le livre qui reprend l’organisation des journées d’un colloque, de lire in primis les contributions de François Duparc qui en sont comme les piliers : le chapitre 2, Du stade du miroir à l’imaginaire dans l’oeuvre de Lacan, son chapitre 10 : La théorie des quatre discours, le 14 : Aux origines de la représentation : Imaginaire, Symbolique et Réel, ou le mystère de la Sainte Trinité. [25]

Et nous voilà ramenés à l’origine du monde, à la question telle que la pose Pascal Quignard dans La Nuit sexuelle :

« M’aimiez-vous avant que je fusse ? » [26]

© Ronald Klapka _ 3 février 2011

[1De Seule enfance (Solaire, 1978), Michaël Bishop écrit :
Although a younger Heather Dohollau wrote a number of poems in English, it was not until many years after leaving her native South Wales to settle in Western France’s wild and exotic Ile de Bréhat that her first work in French was published.
Seule enfance (1978) is a slender volume, but its twenty-seven texts possess already that delicacy, that serenity and that grace which unfailingly mark all the work to come, from La Venelle des portes and La Réponse to L’Adret du jour and Les Portes d’en bas. Its overall poetics, too, demonstrates that Dohollau, whilst fascinated by the multiplicity of phenomena and our experience of them, remains a writer of high, and long-meditated, consistency. The opening poem, part one of twelve independent reflections upon time, its passingness and its dimensions exceeding such passingness, begins as follows :
Regardons maintenant de face : /D’où part le cri /Quel est le tir, la cible (SE, 1).
A poetics of looking, lucidly yet contemplatively, is thus quickly established, and we understand that the "cry" and the "arrows" afterwards evoked reveal a concern with the logistics of being : its origin, its directionality, its intentionality.

La seconde partie de ce poème inaugural :
Est-ce toujours à tes pieds
/Que les flèches sont fichées /Empêchant la marche ? [Contemporary french women poets, volume 1, From Chedid and Dohollau to Tellermann and Bancquart, Rodopi, 1995 (coll. Chiasma), pp. 36-51.]

[2Heather Dohollau, Pour V. W., poème qui ouvre La venelle des portes :
Habiter son visage comme le vent la voile /Les spectres, la maison hantée /Dont les fenêtres sont les yeux de statue /Qui ne voient que leur regard /Écrivant dans l’amande de cette chambre /blanche
/Quand les oiseaux parleront grec dans le /noir des arbres
/Occultant l’herbe de la mort par le bleu /de la mémoire
Où les nuages remontent à leur source /derrière les couleurs /Funambule sur le fil des mots par-dessus /les eaux irréelles
/Reflet, qui se pose sur des reflets pour /traverser le gué
/Il a fallu le poids des pierres pour retrouver /le fond
La venelle des portes, éditions Folle Avoine, 1980, avec un frontispice de Tanguy Dohollau.
L’oeuvre d’Heather Dohollau, sans cesse à revisiter, la reprendre en son point de départ (pour l’écriture en français) toujours éclairant pour mesurer fidélité, fermeté.

[3Je songe, parmi d’autres ouvrages récemment parus, au Lieu d’herbe, aux éditions Galilée, 2010, témoignant à l’envi de la fidélité aux intuitions premières.

[4Des artistes, Presses Universitaires du septentrion, 2010, hautement loué ici.

[5Ce qui est lisible à la page publications du site personnel de l’artiste.
On y remarquera , texte dont la lecture par l’auteur donna lieu à une soirée mémorable.

[6Des artistes, éditions du Septentrion, op. cit., p. 47.

[7C’est dans la collection carnets d’Ateliers, que l’ouvrage est paru.

[8Référence à la pensée tantrique :
« Un axe de lumière traverse tout le corps depuis le sexe jusqu’au cerveau. Chez le yogi qui a parfaitement intégré les valeurs solaire et lunaire, masculine et féminine, les souffles latéraux correspondants doivent se fondre dans ce canal central, pilier de pur cristal, lieu d’échange incessant et d’union du charnel et du spirituel, du désir et de la pensée, de l’érotique et du noétique. Son nom est Shushumnà. [...] courant vital qui s’établit alors entre le Bas et le Haut, reliant le visible à l’invisible, le conscient à l’inconscient, pour former la goutte indestructible du cœur. »

[9Des artistes, op. cit., p. 127, qui prolonge ainsi : « On saisit alors, du regard, l’épaisseur des bourrelets de muscles sur lesquels glissait, comme l’eau, l’étoffe du vêtement. L’abondance dilatée du corps expose ses tensions d’os, de veines et de ligaments. Les membres qui affectaient élégance, souplesse et volupté déploient leur visible énergie et leur crispation de fauves à l’arrêt. Comme les écorchés ou les grotesques dont notre mémoire baroque a gardé le souvenir, les dénudés de Recondo nous violentent jusqu’en ce point de l’imagination où l’homme n’a jamais tout à fait cessé d’être l’animal de proie qu’il fut d’abord - de proie et de douleur, de concentration, de torture et d’extase, dans ses commencements. On sent bien, à les considérer, que l’artiste nous a entraînés dans un autre cercle de sa vision et que, ayant rejeté le masque des sensualités irisées, à la surface des apparences humaines, il nous assène le poids de chairs plus austères, plus impératives et qui ignorent la honte et la réserve de n’être pas dissimulées. »

[10Claude Louis-Combet, Des transes et des transis, Dessins et photographies de Felix de Recondo, Fata Morgana, 2010 ; il y a d’autres ouvrages de Claude Louis-Combet aux éditions Fata Morgana ; de sa Magdeleine, il a été question ici.

[11Anne-Marie Luminet, Rôdeuse éblouie de de l’abîme, L’Harmattan, 2010.

[12P. 40. Et comme en écho, cette prose qui nous restitue cette voix :

Chaque voix est rupture. Chacune m’est douleur et m’écorche vive, troublant un peu plus irrémédiablement la tiède surface lisse du songe. Depuis que j’ai cédé l’oreille je n’en suis jamais revenue. Chaque voix arrachée à l’Inarticulé s’engouffre bientôt dans le premier trou venu, fenêtre ou poème, visage ... et je demeure enclose et muette : je ne suis que son lieu de passage.
Une seule fois, que s’abaisse et se soulève la paupière du temps, juste ! je fus noctuelle. Presque par effraction. Et même est-ce bien sûr ?
Mais déjà je suis crapaud. Le soleil qui me luit n’est jamais apparu. Et c’est de nuit courte entre les joncs, tendu comme une corde pour un chant millénaire, tendu irrésistiblement et sans voir où, et sans voir d’une route à l’autre, révulsé d’amour et trempé, les yeux blancs. Sans voir. Fera-t-il toujours nuit sur la terre ? Il glutte et glisse, il s’émaglise et glimouille, il s’enfle et s’arc-boute, il pète : floc, comme un plat sur l’eau qui le retourne, il flotte et j’en ris. Vous aussi !
Un soir il vient à l’homme cette envie bizarre de rouler dans les blés les vierges idiotes qu’on croise au carrefour du village. Elles se laissent faire, égarées, toute de terre et de blonde laine. Qui se soucierait d’elles ? Des coquelicots jettent là leurs racines légères. (p. 110)

[13« Haddock et saucisse au menu. C’est vrai, je crois que l’on acquiert une certaine maîtrise sur la saucisse et la merluche en les couchant sur le papier. » Virginia Woolf, Journal intégral, 1915-1941, traductions de Colette-Marie Huet et Marie-Ange Dutartre, La Cosmopolite, Stock, 2008, p. 1526.

[14Virginia Woolf, l’écriture refuge contre la folie, éditions Michèle, à paraître en 2011.

[15Ginette Michaux, De Sophocle à Proust, de Nerval à Boulgakov, essai de psychanalyse lacanienne, aux éditions Érès, 2008.

[16Un lecteur avisé de Lacan, tel que Bernard Baas, y trouverait échos de La voix déliée. Le nouvel amour, disponible en Folio, numéro 4829.

[17Le ciné-club de Caen apporte des précisions imagées.

[18Mais il arrive qu’il y ait « beaucoup de bruit pour un nu » : Jacques Henric, l’apprit en 1994, lors de la publication d’Adorations perpétuelles.
Décidément, à l’instar de Michel Surya répondant aux questions de John Jefferson Selve pour la revue Edwarda, n° 4, à propos de l’Impasse (cf. cette « lettre » et plus spécialement ce paragraphe réservé à L’Impasse), il conviendrait de « cérébraliser les corps ». :

« L’érotique, pour moi, si l’on ne peut pas faire que ce ne soit pas un « genre » de la littérature (avec le policier ou le fantastique), l’érotique (je préfèrerais dire : le pornographique) penche du côté d’un autre genre. D’un genre qui est et ancien et qui n’appartient pas à la littérature. Qui appartient, tout près, à la peinture : la vanité. Pure cérébralité, donc. Tout le contraire de ce qu’on croit, donc. Il s’agit de cérébraliser les corps, et non pas de pornographiser la pensée. Si cérémonie il y a dans L’Impasse, c’est celle de cette cérébralisation. Où tout est convoqué : la pensée, bien sûr (les êtres, donc), mais les corps, les muscles, la suée, les sexes ... »

Voir aussi la référence à la citation de Kafka par Bernard Noël dans la revue Contre-Attaques, et la réponse qu’elle appelle :

« Je reprends la phrase de Kafka que vous avez citée : « Écrire, c’est être seul, non pas comme un homme seul mais comme un homme est mort. » Phrase admirable, absolue. Combien d’écrivains capables aujourd’hui d’écrire de telles phrases ? Capable d’écrire qu’écrire, c’est être seul. Autrement dit combien d’écrivains seuls depuis, disons, les derniers : à l’avoir été vraiment : Bataille, Blanchot, Michaux, Beckett, Bernhard, Debord, etc. [...]
Qui plus est, qui ajoute (toujours Kafka) : ce n’est pas être seul qui fait qu’on écrit - certains le font en effet, écrivent, et qui sont seuls, sans écrire pour autant. Il précise alors ceci qui dit exactement en quel sens il entend qu’il faut être seul pour écrire : « Comme un homme est mort. » Ce qui durcit terriblement le trait ; ce qu’il faut alors entendre littéralement : comme un homme est mort vivant. Ce qui ne veut pas dire qu’on est moins vivant parce qu’on est vivant mort ; ce qui veut dire le contraire : on l’est plus - il y a une énergie vitale chez Kafka qu’on n’a pas assez vue. On est d’autant plus vivant, on écrit d’autant plus, qu’on vit et écrit mort. Vivant d’une façon qui sait à tout instant ce qu’il en coûte d’écrire ; écrivant d’une façon qui sait à tout instant de quoi se paie de vivre.
 »

Pour poursuivre leur échange, Le Polième, aux éditions Lignes.
Dans cette même veine de pensée, l’entretien récent de Michel Surya sur Nietzsche avec Jacques-Olivier Bégot, dans les Lettres françaises n° 78, article en ligne.

[19A lire, cet entretien avec l’artiste.

[20Galerie Marie Cini, impasse Saint Claude, Paris 3°

[21Serge André, Lacan : Points de repère aux éditions La Muette, 2011.

[22Voici des présentations de l’un et l’autre ouvrage aux éditions Que. D’aucuns se souviennent peut-être de l’étrange Flac, qui porte, comme l’indique cet entretien, la marque de sa singulière circonstance (à consulter aussi, la lecture suscitée par la revue Coq-Héron (2005/1, n° 180).
Pour la teneur de Devenir psychanalyste et le rester, la juste analyse de Sébastien Vaumoron (non-fiction) donne d’en cerner la problématique au plus près.

[23Aux éditions Érès, 2010, collection point hors ligne.

[24Jacques Lacan, une oeuvre au fil du miroir, sous la direction de François Duparc aux éditions In Press, 2010

[25Et de là, revenir à l’introduction : Lacan et la psychanalyse française, et aller aux diversions contributions que le Cercle d’Études psychanalytiques des Savoie a suscitées et qui sont heureusement plurielles, majoritairement SPP, mais aussi 4° groupe, et APF.

[26Pascal Quignard, La Nuit sexuelle, p. 29 dans l’édition de poche J’ai lu, 2009. Question bien présente dans le ressouvenir vers l’avant dans la lettre qui ouvre relecture de Inter aerias fagos ; INTER, aux éditions Argol, cf. cette reprise.