« Des écrits nous traversent aussi,
pour peu qu’on y soit prédisposé, autre énigme. »

22/10/2011 — Jean-Christophe Bailly¹ | Philippe Lacoue-Labarthe, Aristide Bianchi, Leonid Kharlamov² | Michel Deguy, Alain Lestié³


« Une diction pourra nous revenir, nulle raison
d’en désespérer, si je m’efforce
de ne plus me fier à la furie des mots
et si nous sommes capables de respecter l’imprononçable. » [1]

« La volonté de la prose du poème (« J’appelle "prose" la diction juste. »), l’audace du moins, non de l’excès inverse, du poétique aussi, pourtant, qu’il savait admirer, aimer, louer chez d’autres, téméraires pareillement fous, mais risquant autrement la réponse impossible. Dans son équanimité, il pouvait en comprendre le désespoir.
Cette idée que le poème est la seule possible justice, à ce titre la seule fin véritablement désirable, la déclosion, l’étonnement, « la lumière philosophique à la fenêtre », une autre fois. » [2]

« Dans Bartleby, l’énigme vient de la « pure » écriture qui ne peut être que copie (ré-écriture), de la passivité dans laquelle cette activité disparaît et qui passe insensiblement et soudainement de la passivité ordinaire (la re-production) à l’au-delà de tout passif : vie si passive, ayant la décence cachée du mourir, qu’elle n’a pas la mort pour issue, ne fait pas de la mort une issue. Bartleby copie ; il écrit incessamment et ne peut s’arrêter pour se soumettre à ce qui ressemblerait à un contrôle. Je préférerais ne pas (le faire). Cette phrase parle dans l’intimité de nos nuits : la préférence négative, la négation qui efface la préférence et s’efface en elle, le neutre de ce qu’il n’y a pas à faire, la retenue, la douceur qu’on ne peut dire obstinée et qui déjoue l’obstination avec ces quelques mots ; le langage se tait en se perpétuant. » [3]


— Jean-Christophe Bailly, La véridiction — sur Philippe Lacoue-Labarthe
Philippe Lacoue-Labarthe, Agonie terminée, agonie interminable — sur Maurice Blanchot

Il était d’autant moins pensable de dissocier le regard sur les deux ouvrages, que leur parution coïncide avec l’inauguration du fonds Lacoue-Labarthe à l’IMEC [4], et que leurs contenus s’agrafent naturellement, sans pour autant se confondre, ainsi par exemple L’émoi : Phrase V, à Maurice Blanchot, [5], ou la postface de Préface à la disparition, que commente L’infinitif de la césure.

Jean-Christophe Bailly, La véridiction [6]

« "Parfois, c’est la compréhension qui nous coupe la parole."

S’il n’y avait qu’une seule raison de lire les Écrits sur l’art de Philippe Lacoue-Labarthe aux Presses du réel, ce serait bien ces deux pages - 126 et 127 - qui contiennent ces mots de l’in-fans [7].
Ce qui m’a fait reprendre les quelques 260 que contiennent l’ouvrage, c’est la parution du numéro d’Europe de mai 2010 aussi différent que complémentaire que ce que nous ont proposé les revues Lignes et L’Animal. »

Ainsi introduisais-je naguère une lecture des Écrits sur l’art. Le rappeler ici, à dire vrai, sera en prolonger autrement l’écho apporté par les revues citées - auxquelles on ajoutera une contribution de Jean-Christophe Bailly au collectif, Philippe Lacoue-Labarthe, La césure et l’impossible [8], et en même temps amorcer les problématiques de l’in-fans et de la primitive agony soulevées par le second ouvrage dont il sera fait état un peu plus loin.

En effet, La véridiction est la réunion de trois contributions de Jean Christophe Bailly à ces revues : « A propos de Phrase » in L’Animal [9], La diction (Voix, prose,vérité, mélodie) in Europe [10] et L’infinitif de la césure au collectif cité plus haut. S’y ajoute en répons à La diction : « Réfléchis » (Un hommage — de Ph. L-L. au comédien Philippe Clévenot, 14 janvier 2003).

La photographie de couverture du livre de Jean-Christophe Bailly, n’est pas sans susciter une irrépressible nostalgie, de ce qui n’est plus, toutefois teintée de ce que le ressouvenir peut signifier de "reprise en avant". Prise lors du tournage de Andenken [11] sur les images duquel on entend Philippe Lacoue-Labarthe dire le poème d’Hölderlin. [12], et qui évoquent de celui-ci le voyage à Bordeaux, le poème lui-même, les fêtes données à Lormont (« La fête de la vie » [13]) et possiblement quelques traits autobiograhiques de l’auteur [14].

La relecture de ces textes, l’effet de tuilage qu’indique Bailly en son introduction, en font en effet un « hommage à un homme et à une pensée ». Au surplus, une des plus claires entrées à celle-ci, tout comme l’était « Une étrange émotion » pour ce qui est de celle de l’art [15]. Ici l’émotion ne sera pas étrange — encore que la donnée, la tonalité agonistique, donc mêlée de souffrance (jusqu’à la plus haute) peut avoir, paradoxalement, un étrange effet de joie — mais l’émotion sera forte, voire donc, fortifiante.

Pour le premier, qu’il conduise ou ramène à la lecture de Phrase : « Mais qu’est-ce que cette phrase, et que dit-elle d’elle-même, et de ce qu’une phrase peut dire en général ? Ce qui est dit dans le livre intitulé Phrase, c’est que tout ce qui s’écrit, tout ce qui a voulu produire un sens, phraser, n’est que la paraphrase d’une autre phrase qui est à la fois immédiate et immémoriale, intouchable et devinée, insistante et dérobée. » et « Sans que cette phrase soit l’équivalent d’une muse, il y a pourtant en elle une puissance de dictée. Ce qu’elle dicte, ce n’est pas une énonciation mais une exigence interne à la parole, dont toute parole cherche pourtant à se défaire : ce qu’elle dicte, et c’est dit, c’est un renoncement : le renoncement s’énonce. » (pp. 16-17). L’essentiel est dit, ne pas manquer d’y ajouter : « Donc rien. /Et ce rien comme un seuil. D’où une joie. D’où la joie qu’envisage ce dénuement. »(p. 30)

On imagine sans peine la congruence du second texte La diction, avec ce qui précède. Ici la figure de Lenz, et l’expérience narrée par Rousseau de la deuxième promenade des Rêveries donneront au propos leur intensité rythmique essoufflée.

Quant à L’infinitif de la césure [16], on y retrouvera bien sûr Hölderlin, césure oblige - on ne manquera pas la dimension musicale [17]- mais encore Rousseau, toujours ce même texte ici en résonance avec la postface de Préface à la disparition [18], l’ensemble convaincra le lecteur qui pourra y trouver comme une préparation (intérieure) à la réception active du livre posthume de Philippe Lacoue-Labarthe : Agonie terminée, agonie interminable.

*

— Philippe Lacoue-Labarthe, Agonie terminée, agonie interminable, sur Maurice Blanchot, suivi de L’émoi [19]

Le titre de l’ouvrage pourrait être déroutant pour un lecteur non prévenu. Aussi, tout d’abord quelques précisions historiques — il est rappelé que « la Poésie est la mémoire des dates » — et terminologiques.

Philippe-Lacoue Labarthe a donné une communication portant cet intitulé au colloque Maurice Blanchot Récits critiques (2003) [20]. La même année a été fourni à l’éditeur sous le titre « Argumentaire », un texte signifiant l’intention et le plan de l’ouvrage projeté, il est aujourd’hui repris en avant-propos aux pages 57 à 59, tandis que l’ouvrage qui avait été prévu va des pages 61 à 151. C’est sa seconde partie, la contribution au colloque Blanchot, qui a été selon la note d’intention reportée sur l’ensemble, donnant ainsi au livre, non seulement son titre, mais aussi sa tonalité, en quoi se rejoignent la pensée du critique et celle du philosophe.

Les familiers de la littérature psychanalytique, reconnaîtront un titre célèbre de Freud (« Analyse terminée et analyse interminable », 1937), mais aussi une allusion à la "primitive agony", un concept winnicottien, que connaissait Blanchot [21], et dont la traduction laisse sans doute à désirer [22] mais était alors communément admise [23] : l’explicitation qu’en fournit Lacoue-Labarthe : « Cet effondrement inéprouvé, mais qui a bien eu lieu, Winnicott l’appelle - je transcris littéralement, comme le fait Blanchot - “agonie primitive” » donne ici le fil, et ainsi que s’établit dans L’écriture du désastre la contestation tant du mot scène que du mot primitive [24], les adjectifs terminée, interminable prennent alors tout leur sens.

(Une scène primitive ?) donc, gardons la mise entre parenthèses, et le suspens amené par le point d’interrogation, du début du fragment de L’écriture du désastre (1980) [25], qui a connu si l’on peut dire une version plus primitive, sans parenthèses, ni point d’interrogation, d’un seul bloc, et la répétition du terme primitive en cet endroit : « L’inattendu de cette scène primitive (son trait interminable)... ». Cette version, Blanchot l’avait confiée à Philippe Lacoue-Labarthe, et à Mathieu Bénézet, pour leur revue Première Livraison (1976) [26]. Plus encore nous le révèlent Aristide Bianchi et Leonid Kharlamov, nous apprenons « qu’une une lettre envoyée par Maurice Blanchot à Roger Laporte le 24 septembre 1966 comporte l’« avant-première » version écrite d’“Une scène primitive”, désignée comme “un souvenir au centre de tout oubli ». [27] Ce fut d’abord, nous le précisent les editors, se référant à une conférence inédite, une pensée-obstacle : « Une scène primitive » avait tout pour permettre et enjoindre à Philippe Lacoue-Labarthe d’écrire « sur » Maurice Blanchot [28]. Mais quelque chose dans ce texte et dans sa reprise au cœur de L’Écriture du désastre l’arrêtait, vis-à-vis de quoi L’instant de ma mort a produit une levée (en même temps qu’une contrainte) » [29].

Ce qui explique la place prise par les textes qu’aura engendrés la parution du petit livre en 1994 [30]. Ils composent la première partie de l’ouvrage qui emprunte son titre à Borges [31] : « Le miracle secret ». Aux deux textes : Fidélités (provenant de L’Animal autobiographique), La contestation de la mort (Matsuyama, 1999, Magazine littéraire, n° 424, 2003) sont jointes deux annexes : La naissance est la mort, et L’Agonie de la religion. On le voit une architecture simple (deux parties) et complexe à la fois (distribution inégale des textes, adjonction d’un texte en marge). Auraient pu s’y ajouter un troisième : Cryptie, et une troisième annexe : Manet.

Les éditeurs nous débrouillent avec brio, et en 45 pages d’introduction, comment s’est constitué le livre, son économie [32], et surtout à l’aide de documents inédits (séminaires, conférences) nous donnent d’assister à ce qui fut un dialogue serré entre la pensée du critique et celle du philosophe, la finalité commune de leurs travaux, indissociablement littéraire et politique. Ils montrent bien en particulier comment l’Instant « reprend » la Scène qui provoqua l’Émoi. On leur saura gré sans doute d’avoir non pas détaché ce texte de Phrase, dans lequel il s’insère bien sûr parfaitement, mais de l’avoir réinscrit dans la série de ceux de cette édition, pour, rétrospectivement en avoir été à l’origine, comme la "primitive agony" en quelque sorte. Je n’hésiterai pas à souligner outre son évidente qualité poétique (sans le moindre pathos ou pose poétique), sa teneur mystique, fût-elle athée. Si "joie" dans le texte blanchotien résonnait du mémorial pascalien, point besoin d’être un lecteur averti pour retrouver, entre autres, les termes de la nuit obscure, et de l’indifférence, qui appartiennent au registre de la mystique espagnole du "siècle d’or". Mystique sans mysticisme, cela va sans dire, mais il vaut mieux le souligner, dans lequel se fait jour une forme d’attestation, qui diffère de celles héritées, sans triomphe, vigilante toutefois se laissant modeler par la patience, celle-ci fût-elle déclarée amnésique : « En parlant de « patience amnésique » Philippe Lacoue-Labarthe désigne chez Maurice Blanchot cet état précaire d’une sortie qui ne serait ni passive ni décidée (au contraire de la décision d’existence chez Heidegger ou de la volonté d’oubli chez Nietzsche) hors du mythe, hors de la vie dans le mythe ou de la vie en citation. » (p. 48) Celle-ci (cette citation) est une invitation à lire les notes d’auditeurs (i.e. de A. Bianchi, et L. Kharlamov) d’une séance de séminaire de 2005, aux pages 49 à 50, j’en prends, on verra pourquoi :

« Si, à partir des indications rapides sur la lutte très sévère que mène Blanchot contre l’étymologisme - il joue lui-même, dans L’instant de ma mort, sur instant/ instance comme, dans L’Écriture du désastre, une sorte de mémoire extraordinaire de la langue le fait circuler entre des mots dont il sait très bien qu’ils sont apparentés et ont une signification « propre » -, l’on pouvait - justement c’est la question qui se pose - mettre la pensée, l’écriture de Blanchot sous le signe ou l’emblème d’une figure, ce serait évidemment celle de Mnémosyne, la mère des Muses. »

On se souvient de l’ultime paragraphe de L’Instant de ma mort : « Qu’importe. Seul demeure le sentiment de légèreté qui est la mort même ou, pour le dire plus précisément, l’instant de ma mort toujours en instance. », ce que traduisent bien les adjectifs du titre du livre de Lacoue Labarthe : Agonie terminée (se rappeler : « Je fus mis au mur comme beaucoup d’autres. Pourquoi ? Pour rien. Les fusils ne partirent pas. Je me dis : Dieu, que fais-tu ? Je cessai d’être insensé. » — La Folie du jour), et de ce fait Agonie interminable, les termes s’apposent bien plus qu’ils ne s’opposent. Serait-ce le(ur) secret ?

Patiente lecture donc d’Aristide Bianchi et de Leonid Kharlamov, dense, documentée, respectueuse, n’assénant pas une "vérité" de Lacoue-Labarthe, et qui donne à se souvenir pour longtemps d’une aventure intellectuelle mêlée aux tracas de son siècle et en dialogue jamais complaisant (cf. Noli me frangere [33]) avec les pensées les plus exigeantes et les plus stimulantes. [34]

Michel Deguy, N’était le coeur

« J’offre le braille de mots lisibles à la surdité du poème lecteur qui rentre l’amusicalité de langue et la traduit par la musique, comme je rentre mon amour pour toi, rentre ta peine et le mouvement de garder ces choses dans le cœur depuis la Vierge, ou comme la peinture décolore les chromes, transcrivant le visible analphabète pour rentrer le visible - et à force de ne pas te parler de ne pas savoir te parler, affublé de cette bête sur la lèvre, dans la haine de la ptôse et du mouvement qui déplace les lèvres - c’est pour le voler le rapporter le refaire en ce qui n’est pas lui, son homologue ennemi intime fait de stricte négation de sa matière : comme un bleu d’ici qui soit de n’être pas ce bleu là-bas, combien de temps travaillé pour ce qu’on nomme recréer avec ce qui ne fut pas créé ? » [35]

Ceux qui sont sensibles à l’idiome deguyen, son recours aux termes savants, précis, le ton volontiers aphoristique, les comparaisons qui frappent l’esprit, sa passion pour la poésie [36] qui pense, et la pensée qui poème, ouvriront avec d’autant plus de plaisir N’était le coeur [37], que cette suite remaniée de poèmes est accompagnée de « Contrecoups », 24 dessins d’Alain Lestié, dont le crayon nero lui aussi pense, donne à penser mais aussi à rêver ; ici l’épure (le trait, le déblai, la place nette, l’indication) s’ajointe au mystère, les harmonies de gris, tels des nuages baudelairiens. C’est tout une poétique qui se manifeste ainsi, le crayon poéticien comme dupliquant, autrement, les pensées telles qu’elles s’inscrivent au coeur du système de l’écriture deguyenne, sa caractéristique étant à la fois de cerner, enclore pour mieux la libérer, la sensation telle qu’elle se veut communiquer. A se dire, N’était le coeur,

dans sa version allemande :

 »Wär nicht das Herz, wir waren taub /Am Leben zwar doch wie Medusen /oder abgedriftete Schlangen /Wär nicht das Herz wir waren ohne Welt //Das chronische Herz, das uns skandiert /das beständige Herz, das uns aufhebt /und uns dem Autismus eingerollter Tiere entreißt /Das Herz, das unsere Augen zur Ekstase umschwingt /und uns ins DrauBen alarmiert //Wär nicht das Herz, wir wären taub /Hör nur mein Herz das süße Leben wie es schreitet« 

à entendre aussi :

« N’était le cœur nous serions sourds /En vie sans doute mais comme les méduses /ou les vipères dérivées /N’était le cœur nous serions sans monde //Le cœur chronique qui nous scande /le cœur constant qui nous suspend /nous arrachant à l’autisme animal lové /Le cœur qui revire nos yeux à l’extase /et nous alerte vers le dehors //N’était le cœur nous serions sourds /Entends mon cœur entends la douce vie qui /marche »

Et ne pas manquer d’aller à la rencontre des travaux d’Alain Lestié, — sur site — ses Motifs pour poèmes [38], oui, mais plus encore — in situ — ses expositions, comme à demi-mots [39]. La place que lui fait le site dédié à Gérard Granel [40] n’est pas hasard, comme n’est pas hasard que mon attention ait été jadis saisie par les dessins accompagnant Granel, l’éclat, le combat, l’ouvert [41]

© Ronald Klapka _ 22 octobre 2011

[1Philippe Lacoue-Labarthe, Phrase, Bourgois, 2000, coda de Phrase XIX (Prose), pp. 113-115.

« Des écrits nous traversent aussi, /pour peu qu’on y soit prédisposé, autre énigme. » appartient également à cet ouvrage, au dernier texte : Phrase XXI (Clarification), p. 130.

[2Jean-Paul Michel, « la lumière philosophique à la fenêtre », une autre fois — texte en hommage à Philippe Lacoue-Labarthe, in Lignes n° 22, mai 2007, pp. 78-83. Outre la traduction des Cartoline de Caproni, Jean-Paul Michel a édité Pasolini, une improvisation. De celle-ci, gardons, juste, la coda :
Trois remarques (pour Armando Battiston) //
Nulle effusion : Monk et Dolphy - pas Coltrane ; Morandi, Bram van Velde - pas Kandinsky. Pas de « spirituel dans l’art ». //
Ils sont trois, selon les trois religions de l’Europe occidentale (hespérique), Kafka, Beckett et lui, Pasolini. //
Pratiquement, il était juste. (15)

[3Maurice Blanchot, L’Écriture du désastre, Gallimard, 1980, p. 219.

*

[4Cette trace, précieuse aussi en ce qu’elle donne l’argumentaire, manuscrit, de Philippe Lacoue-Labarthe pour Agonie terminée, agonie interminable.

[5Phrase, op. cit. pp. 43-48.

[6Jean-Christophe Bailly, La véridiction, éditions Christian Bourgois, 2011.

[7Je sais depuis longtemps que la seule façon dont je puisse m’adresser à toi est la prière.
Les rares vers dont je me souvienne - en dehors de Racine et de Baudelaire —, ce sont ceux de « Mémoire » de Rimbaud :
Madame se tient trop debout dans la prairie /prochaine où neigent les fils du travail...
Ou bien :
Jouet de cet œil d’eau morne, je n’y puis prendre, /ô canot immobile ! oh ! bras trop courts ! ni l’une /ni l’autre fleur : ni la jaune qui m’importune,/ là ; ni la bleue, amie à l’eau couleur de cendre.

Ça, c’est mon enfance, ce qui est fini, absolument fini.
Ce matin, pourtant, lorsque tu étais près de la mare - mais ni « trop debout » ni « te tenant », bien que « dans la prairie » (au pied de l’arbre, abattue, pleurant) -, c’était encore, ce n’était plus, c’était l’enfance. J’étais muet - infans. Parfois, c’est la compréhension qui nous coupe la parole.

« Puis-je, puis-je te dédier ces choses où je suis malhabile ? »
Ph. L-L. Écrits sur l’art, p.126.

[8Philippe Lacoue-Labarthe, La césure et l’impossible, collectif, sous la direction de Jacob Rogozinski, aux éditions Lignes, septembre 2010, op. laud.

[9Revue mentionnée naguère pour : « J’ai tenté dans un autre texte de rendre compte de cette visite aux tombeaux de Kyongju. Voir
« À propos de Phrase » dans le dossier consacré à Philippe Lacoue-Labarthe dans le numéro 19-20 de la revue L’Animal »
Les pages 28 à 30, de La véridiction, diront au lecteur qui ne les connaissent pas, ce qui aura été ressenti face à ces tombeaux royaux, fascinants dômes d’herbe,« comme si le paysage était converti en une sorte d’onde stationnaire où les puissances de la vie et de la mort sont réunies dans un unique ton fondamental ».

[10Europe, n° 973, mai 2010, Cahier Philippe Lacoue-Labarthe, études et textes de : Ginette Michaud (maîtresse d’oeuvre), Jean-Luc Nancy, Avital Ronell, Philippe Lacoue-Labarthe, Aristide Bianchi, Leonid Kharlamov, Patrick Hutchinson, Michel Deutsch, Marita Tatari, Jean-Christophe Bailly, Danielle Cohen-Levinas, Marc Crépon, René Major, Chantal Talagrand, Jean-Michel Rabaté, Alain Badiou.

[11François Lagarde auteur de la photo, a réalisé le film Les entretiens (entre Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Christophe Bailly) de L’Île Saint-Pierre avec Christine Baudillon ; celle ci a réalisé le court-métrage Andenken avec Philippe Lacoue-Labarthe, qui évoque le voyage à Bordeaux d’Hölderlin, avec la diction d’Andenken en allemand (Hanns Zischler), et dans sa traduction par Ph. L-L., musicalement, Hanns Eisler, Hollywood Liederbuch, Hölderlin Fragmente 4, et Mit innigster Empfindung un motif poignant du quatuor n° 16 de Beethoven (v. Phrase XIV, III, pp. 89-91), et parmi celles des oiseaux, la note répétée du crapaud accoucheur.

[12L’ensemble en livre-DVD aux éditions Hors-Œil, 2006.

[13On se souvient aussi de Michèle Desbordes, et de quelques autres...
Philippe Lacoue-Labarthe précisait en ce qui concerne la seconde strophe d’Andenken, « Il n’y a pas seulement là une étonnante précision topographique, comme du reste dans la première strophe (qui est une « vue » de Lormont) ou la dernière (qui évoque le bec d’Ambès). Mais si Adorno ne pouvait pas le savoir, on le sait bien aujourd’hui : le moulin, situé justement à Lormont (sur l’autre rive de la Garonne, donc, en face de Bordeaux), abritait une sorte de cabaret où l’on venait danser les dimanches et, sinon un lieu de plaisir, dans les années du Directoire et du Consulat, au moins un lieu de fêtes. Adorno touche juste, tout simplement parce qu’il sait à quel point Heidegger évite la réalité que, pour sa part, Hölderlin s’épuisait à rejoindre. » ("Il faut", in Heidegger, la politique du poème, p. 89).

[14Il faut, oui il faut, lire les pages 115 à 118, de L’« Allégorie », — elles sont intitulées « Biographie » — et leur commentaire pp. 164-167, par Jean-Luc Nancy, en postface du même ouvrage (Un commencement, v. aussi cette lettre « allégoriquement » rédigée ).
Soit cette allusion :
« Biographie » dit l’effacement du récit de vie dans la vision du fleuve qui lui-même « reflète le calme et le vide du ciel » dans son « courant contraire » qui est celui de la marée remontant l’estuaire qu’on devine étendu. Récit effacé et inversé, anabase et retour qui ne revient à rien qu’à l’ouverture béante d’un égarement.
Et cette autre :
« La littérature est orale parce que l’oralité est littéraire. D’elle-même et de naissance, la parole d’abord chante l’antériorité non parlante qu’elle efface en elle en même temps qu’elle la chante. En ce sens la parole est de soi mythique. Le logos philosophique fonde la parole sur soi, lui redonne un commencement lumineux à lui-même. Mais ce que dit Lacoue-Labarthe, ce qu’il dit qu’il est si difficile de dire, ce qu’il ne dit qu’à peine - et dans la peine - mais qu’il chante toujours à nouveau - puisque c’est toujours aussi neuf que toujours à nouveau plus ancien - c’est qu’au commencement on ne fait qu’allusion et que toute parole est allusion à la gorge d’où elle sort. »

[15J’en cite ce propos d’un autre : « C’est ce qu’a dit de façon si précise Patrice Loraux dans “Le Pacte”, le texte qu’il a lu lors de la matinée d’hommage organisée au Centre dramatique national de Montreuil, en février 2007 : « Lacoue- Labarthe était de la race des philosophes qui subissent l’attraction du "rêve d’œuvre", c’est-à-dire du rêve de la forme - Gestalt - qui ne repose sur rien et reste en rapport actif avec le rien qui la ronge. L’œuvre, pour lui, fait voir ou plutôt entrevoir un instant de triomphe : un peu de rien est capturé fugacement par la forme et c’est tout de même cela qu’il aura appelé l’Art. »
in Une étrange émotion, préface aux Écrits sur l’art, presses du réel, op. cit.

[16Je ne voudrais pas trop ajouter à un commentaire récent.

[17Cf. « Je voudrais parler de musique ; prendre la parole en un lieu de la pensée qui représentait pour Philippe Lacoue-Labarthe le moment névralgique, la promesse peut-être d’un suspens du parler, la retenue du verbal, ce que Hölderlin pour la poésie nomme la « césure » ; ce que Nietzsche appelle “l’envers des choses” ; ce que Jean-Luc Nancy appelle “le spasme ou la syncope” ».
Danielle Cohen-Levinas, An die Musik, in Lignes n° 22, op. cit., pp. 106-110.

[18Qu’il s’agisse de La véridiction(p. 59), ou de Agonie terminée,agonie interminable(p. 54), le texte est donné in extenso. Sa densité est telle qu’il apparaît difficile de faire autrement, cet éclair avant la nuit illumine réstrospectivement, une vie, une pensée. le voici :

« Deux fois, donc, je suis mort. En l’espace d’à peine quelques mois : 25 mai 2006, 29 décembre de la même année. Chaque fois, usant de puissants moyens, on m’a ramené à la conscience - c’est l’expression consacrée - c’est-à-dire à ce monde en son entier, qui est parce qu’il paraît, sans la moindre exception. Mais chaque fois j’eus la furtive intuition que ce qui s’offrait comme le monde était avant qu’il existait (qu’il était présent), d’une existence qui précédait imperceptiblement la pleine existence de tout.

Tel fut l’envers de la disparition. Un effacement de la condition de l’exister - cette pure impossibilité. En somme, furtivement, l’impossible me fut possible ( « ...un éclair, puis la nuit... ») ; et à ce signe je reconnus soudain la condition de l’existence poétique. Laquelle n’est pas de traverser les apparences (il n’y a pas, précisément, d’apparences) mais de se risquer à se tenir au lieu [point] d’origine du paraître qui est tout. Funambulisme métaphysique sans garde-fou métaphysique. Ou si l’on préfère : expérience métaphysique évidée, pure exposition au néant [dans son absolument retirement même] »
Philippe Lacoue-Labarthe « Postface », Lignes n° 22, mai 2007 (p. 253, et Préface à la disparition, op. cit., pp. 45-46. )
A propos de cet ouvrage, notre note.

[19Philippe Lacoue-Labarthe, Agonie terminée, agonie interminable sur Maurice Blanchot, suivi de L’émoi, éditions Galilée, 2001, editors : Aristide Bianchi, Leonid Kharlamov.

[20Publication, Maurice Blanchot Récits critiques , textes réunis par Christophe Bident et Pierre Vilar, éditions Farrago/Leo Scheer, 2003. La communication de Philippe Lacoue-Labarthe, aux pages 439 à 449 ; et dans le présent livre 133 à 151.

[21Le nom de Winnicott apparaît explicitement dans L’écriture du désastre, tout comme celui de Serge Leclaire à propos de On tue un enfant, tandis que s’opère également une lecture du mythe de Narcisse.

[22Lire cette note de Michel Gribinski, traduisant Winnicott, le choix de la solitude, d’Adam Phillips (éditions de l’Olivier, 2008, p. 18) :

Primitive agony est habituellement traduit par « agonie primitive », et c’est cette traduction, ou plutôt ce refus de traduire que j’ai suivi dans le livre de Winnicott intitulé La Nature humaine. Mais agony veut dire « angoisse intense », et d’ailleurs il arrive à Winnicott de parler de castration agony - intense angoisse de castration, et non « agonie de castration). La primitive agony est une désindividuation qui débouche pour le sujet sur l’impossibilité de toute autre représentation. L’individu est défait de ce qui le relie au sentiment d’être un individu : la psyché est séparée du soma, le sujet désassujetti du sentiment d’intégration, défait de toute prise, du sens du réel, de la relation aux objets, défait du sentiment de continuité de l’existence, etc. C’est une dissection à vif des liens organiques que le sujet a avec lui-même et le monde et, dans « La crainte de l’effondrement » comme ici, j’ai rendu primitive agony par « angoisse disséquante primitive). « Primitive » fait d’ailleurs un peu mystérieux et ne veut pas dire grand-chose. Il faut entendre que la chose a déjà eu lieu, alors que le patient craint qu’elle ne se produise dans un futur plus ou moins immédiat.

[23Claire Nouvet a lu attentivement et discuté les positions de Blanchot, dans Les enfances Narcisse aux éditions Galilée, ouvrage hautement recommandé, pour relire Ovide, Blanchot, Lacan (le stade du miroir), les conditions de l’écriture (narcissisme et altérité). Pour s’en convaincre, la quatrième (je souligne) :
« Le moi a ses enfances qu’il préfère oublier. Narcisse s’en fait le témoin. Bien malgré lui. Dans le visage que le miroir reflète ou la voix que l’écho renvoie, une enfance persiste dont il ne veut rien savoir. Cette enfance est, tout à la fois, une agonie et une chance. Une agonie, car elle intime à un moi un peu trop sûr de lui-même qu’il ne naît à lui-même qu’en perdant la voix qu’il croit avoir et le moi qu’il croit être. Une chance, car la perte qui le frappe est, qu’il accepte de le reconnaître ou non, ouverture à l’autre. Elle l’ouvre également à la possibilité d’une écriture. Pour Ovide, le chemin vers l’écriture passe en effet par Narcisse – et par ses enfances. »

Une autre occurrence du mot agonie survient à propos d’un hommage à Blanchot, recueilli par la Revue des sciences humaines n° 253 (1999) : (L’Agonie de la religion, repris pp. 126-129), il permet de repérer Vous qui vivez plus tard... :

Bien avant qu’il fût contraint au retrait, depuis toujours peut-être, Blanchot n’a cessé de mettre en suspens, dans ce phrasé inouï que scande et rythme obstinément l’humble préposition « sans », tout ce que le langage lui interdisait de ne pas affirmer et de ne pas nier : la révolution et la communauté, l’œuvre et l’expérience, l’amitié et la mort, la transparence et la douleur. La Littérature et l’ordinaire conversation. Depuis Montaigne, au bord antérieur du moderne, nulle voix ne s’est plus retenue. De nos jours, on n’ose même pas dire : après le déchaînement, nulle leçon n’aura à ce point miné toute leçon, nulle demande ne nous aura été si précisément adressée d’avoir à répondre de ce qui exclut à l’avance toute réponse. Pas au-delà - de la religion : de la Littérature et de la politique, et même de ce qu’on nomme si emphatiquement l’éthique. Dans quelques textes raréfiés, à la frontière d’un silence accepté, résonne encore, mais ce n’est aucune promesse, la protestation d’une existence a-thée qui ne s’inquiète même plus de la déposition du sens mais ne renonce pas davantage à l’urgence d’une tâche. Qui d’autre a tenté de franchir ce pas - impossible à franchir ?
J’entends encore cette « intimation », c’était il y a plus de vingt ans : « Vous qui vivez plus tard, proches d’un cœur qui ne bat plus ... » Rien n’était exigé. C’est l’exigence même. Il faut encore veiller.

[24Lire par exemple, p. 157 de L’Écriture du désastre :
« Cette mort incertaine, toujours antérieure, attestation d’un passé sans présent, n’est jamais individuelle, de même qu’elle déborde le tout (ce qui suppose l’avènement du tout, son accomplissement, la fin sans fin de la dialectique) : hors tout, hors temps, elle ne saurait être expliquée, ainsi que le pense Winnicott, seulement par les vicissitudes propres à la première enfance, lorsque l’enfant, encore privé de moi, subit des états bouleversants (les agonies primitives) qu’il ne peut connaître puisqu’il n’existe pas encore, qui se produiraient donc sans avoir lieu, ce qui conduit plus tard l’adulte, dans un souvenir sans souvenir, par son moi fissuré, à les attendre (soit pour les désirer, soit pour les redouter) de sa vie qui s’achève ou s’effondre. Ou plutôt ce n’est qu’une explication, du reste impressionnante, une application fictive destinée à individualiser ce qui ne saurait l’être ou encore à fournir une représentation de l’irreprésentable, à laisser croire qu’on pourra, à l’aide du transfert, fixer dans le présent d’un souvenir (c’est à-dire dans une expérience actuelle) la passivité de l’inconnu immémorial, opération de détournement peut-être thérapeutiquement utile, dans la mesure où, par une manière de platonisme, à celui qui vit dans la hantise de l’effondrement imminent, elle permet de dire : cela n’aura pas lieu, cela a déjà eu lieu, je sais, je me rappelle - ce qui est restaurer un savoir de vérité et un temps commun linéaire. »

[25Voici cette version qu’a retenue L’écriture du désastre :
♦(Une scène primitive ?) Vous qui vivez plus tard, proches d’un cœur qui ne bat plus, supposez, supposez-le : l’enfant — a-t-il sept ans, huit ans peut-être ? — debout, écartant le rideau et, à travers la vitre, regardant. Ce qu’il voit, le jardin, les arbres d’hiver, le mur d’une maison : tandis qu’il voit, sans doute à la manière d’un enfant, son espace de jeu, il se lasse et lentement regarde en haut vers le ciel ordinaire, avec les nuages, la lumière grise, le jour terne et sans lointain.
Ce qui se passe ensuite : le ciel, le
même ciel, soudain ouvert, noir absolument et vide absolument, révélant (comme par la vitre brisée) une telle absence que tout s’y est depuis toujours et à jamais perdu, au point que s’y affirme et s’y dissipe le savoir vertigineux que rien est ce qu’il y a, et d’abord rien au-delà. L’inattendu de cette scène (son trait interminable), c’est le sentiment de bonheur qui aussitôt submerge l’enfant, la joie ravageante dont il ne pourra témoigner que par les larmes, un ruissellement sans fin de larmes. On croit à un chagrin d’enfant, on cherche à le consoler. Il ne dit rien. Il vivra désormais dans le secret. Il ne pleurera plus.
Maurice Blanchot, L’écriture du désastre, Gallimard, 1980, p. 117.

[26Une note de bas de page (134), mentionne une allusion à l’épisode, dans un fragment de Le pas au-delà (Gallimard, 1973), p. 9 ; le texte vaut d’être cité non seulement pour l’allusion qu’il contient (premier paragraphe) mais encore pour le développement dans lequel il s’insère, de manière non anecdotique :

« ♦ Ecrire comme question d’écrire, question qui porte l’écriture qui porte la question, ne te permet plus ce rapport à l’être - entendu d’abord comme tradition, ordre, certitude, vérité, toute forme d’enracinement que tu as reçu un jour du passé du monde, domaine que tu étais appelé à gérer afin d’en fortifier ton « Moi », bien que celui-ci fût comme fissuré, dès le jour où le ciel s’ouvrit sur son vide.
J’essaierai en vain de me le représenter, celui que je n’étais pas et qui, sans le vouloir, commençait d’écrire, écrivant (et alors le sachant) de telle manière que par là le pur produit de ne rien faire s’introduisait dans le monde et dans son monde. Cela se passait « la nuit ». Le jour, il y avait les actes du jour, les paroles quotidiennes, l’écriture quotidienne, des affirmations, des valeurs, des habitudes, rien qui comptât et pourtant quelque chose qu’il fallait confusément nommer la vie. La certitude qu’en écrivant il mettait précisément entre parenthèses cette certitude, y compris la certitude de lui-même comme sujet d’écrire, le conduisit lentement, cependant aussitôt, dans un espace vide dont le vide (le zéro barré, héraldique) n’empêchait nullement les tours et les détours d’un cheminement très long. »

[27Revenant sur le récit de la scène qu’il confie à Roger Laporte, Maurice Blanchot ajoutait : « Naturellement, un tel mouvement ne prouve rien, ne découvre rien : ce serait le comble ; mais du moins, cette joie d’une extraordinaire pureté et dont le souvenir est au centre de tout oubli, m’a comme révélé un niveau de "moi-même" : une exigence sur laquelle, par la suite, il m’a été donné de réfléchir en essayant d’y répondre. »

[28Ce qu’elle fit sous la forme de L’émoi (dédié à Maurice Blanchot), publié en 1976, dans la revue Digraphe. Repris en 2000, dans Phrase, en sous-titre de Phrase V. Les éditeurs ont très certainement eu raison de le publier en marge de leur livre, puisqu’en fait il en donnait le lointain coup d’envoi initial.

[29Voici l’obstacle :
« Non, ce qui provoquait ma résistance, c’était, plus sourdement, la référence à une certaine tradition mystique, une forme de dévotion, essentiellement française me semble-t-il, tout entière fondée sur l’effusion (on en suit la trace au moins jusque chez Rousseau), sentimentale par conséquent, et dont le « Mémorial » de Pascal ( « Joie, joie, pleurs de joie... ») - précisément gardé secret et découvert, comme on sait, après sa mort, dissimulé dans la doublure de son habit - offre l’exemple le plus spectaculaire (et il se trouve, dans mon enfance, le plus contraignant) [Je souligne.]. Ces pleurs, ces larmes, c’était une citation de Pascal. »

[30Aux éditions Fata Morgana, ensuite encrypté dans Demeure, Galilée, 1998, par Jacques Derrida, aux éditions Gallimard, en 2002.

[31La disparition, en 1965, évoquait déjà un conte de l’auteur argentin : Ragnarök.

[32Nous nous autorisons à en donner un schéma.

[33Avec Jean-Luc Nancy, Europe, op. cit., à propos du "fragmentaire".

[34L’index des noms, comme pour, à sa mesure, en attester, liste :

Cartes postales d’un voyage en Pologne, le 21 janvier 2005, rappelle que Lacoue-Labarthe traduisit avec Federico Nicolao les cartoline de Giorgio Caproni, La voix de fin silence de Roger Laporte, le 26 avril 2006, sa préface à Lettre à personne, Dans un déchirement immense de la voix, le 3 juin 2006, mentionne La poésie comme expérience, Allégoriquement (Philippe Lacoue-Labarthe), le 10 octobre 2006, fait revenir à nous de magnifiques textes écrits 38 ans plus tôt, quasiment inconnus, Frédéric-Yves Jeannet : affinités & correspondances, le 10 décembre 2006, à cause de l’avant-propos au Carnet posthume de Roger Laporte, Livraison et délivrance, (Denis Guénoun) le 26 avril 2009, évoque un échange de lettres (« Scène ») avec Jean-Luc Nancy, Depuis Lacoue-Labarthe, le 9 juin 2009, et c’est Préface à la Disparition Philippe Lacoue-Labarthe, et les arts du silence, le 30 mai 2010, le recueil aux Presses du réel, Innocence de principe et innocence par surcroît, le 17 juin 2010, donne à Alain Jugnon l’occasion d’un rapprochement entre Surya et « Lacoue », Andenken, je pense à vous, le 20 octobre 2010, croise la critique de la lecture heideggerienne de Andenken d’Avital Ronell, avec celle de Lacoue-Labarthe.

On trouvera parmi ces liens, celui du colloque Déconstruction mimétique. Je le redonne avec cette citation conclusive de la présentation :

Un rien fidèle, peu de chose, quasi ou trois fois rien (pas n’importe quoi, c’est tout), qui doit contraindre voire soutenir, qui doit étrangement faire quelque “mimesis déconstructrice”.

*

[35Michel Deguy, Sibyllaires, in Gisants, Poèmes II, 1980-1995, Poésie/Gallimard p. 25.

[36pourpoésie est le site dédié à la revue Po&sie et ses entours, textes, conférences, manifestations.

[37Michel Deguy, N’était le coeur, Galilée, 2011, avec 24 dessins d’Alain Lestié, dont le prière d’insérer rappelle : La poésie pense ; elle est un empirisme perçant : recherche de vérités prises dans les circonstances, qui se risquent sur des augures exemplaires à interpréter ce temps, notre temps.

[38Michel Deguy : Poèmes en pensées avec Motifs pour poèmes d’Alain Lestié, Éditions le bleu du ciel 2002.

[39Alain Lestié, « à demi-mots », œuvres sur papier, exposition du 10 septembre au 14 novembre 2008 au Centre d’Art Contemporain “le Parvis 3”, à Pau, dont le
dossier de presse donne une fidèle idée.

[40Le site officiel Gérard Granel, outre une bio-bibliographie, propose cours, entretiens, photos ainsi qu’audio/video.

[41Textes réunis par Jean-Luc Nancy et Élisabeth Rigal Granel, l’éclat, le combat, l’ouvert, Belin, L’extrême contemporain, 2001, dont la quatrième souligne que « Le vrai, l’ouvert et l’éclat exigent le combat ».
Qui s’étonnerait que la contribution de Philippe Lacoue-Labarthe, pp. 315-318, s’intitule Andenken, et qu’on y lise : Mais si l’on me demande quelle est ma « provenance » philosophique, je réponds invariablement : j’ai été l’élève de Granel. En philosophie, c’est mon seul titre de gloire.