20/10/10 — Derrida, Lacoue-Labarthe, Jean-Christophe Bailly, Avital Ronell, Benoît Peeters, Marie-Françoise Plissart
On peut - il faut - supposer qu’Andenken est ainsi calculé, selon la vérité - en défaut - de la poésie comme prose. Poème sobre, il dirait la défaillance même de la poésie, c’est-à-dire cela précisément qui répond à l’exigence d’écrire, au il faut. Il le dirait dans son dernier vers dont tant de commentaires n’ont pas réussi à lever l’énigme : Was bleibet aber, stiften die Dichter : « Mais ce qui demeure, les poètes le fondent. » Ou plutôt, je crois, l’instituent. C’est à suivre...
Philippe Lacoue-Labarthe [1]
La césure est l’atelier de l’élargissement du langage hors des régimes du nom et du concept, et cette sortie est tout sauf vague, elle n’est pas indéfinie, ni infinie, elle est seulement active, et c’est pourquoi je propose qu’on puisse parler d’un infinitif de la césure : non une extension infinie de l’interruption, mais la reprise, définie à chaque fois, d’un travail, le travail d’un battement, le point de fuite d’une éternité perçue dans le temps de ce battement : suspens de l’infinitif en tant qu’il désigne, dans le mode verbal, un écart vers le nom qui, envers le nom, a le sens d’une bascule vers le verbe, mode interrompu ou en attente où le verbe, à seulement s’énoncer (vivre, mourir, exister, écouter, phraser), s’imprègne lui-même d’un « il faut » qu’on entend très clairement.
Jean-Christophe Bailly [2]
Voici qui ressemblera à une bibliographie tout juste commentée, car livres, revues, se bousculent, s’interpellent, leur richesse est telle, leurs richesses sont telles, que ce sera en donner à peine quelques traces (mais pour le lecteur, de celles qui demeurent et instituent). Le point de vue n’en sera pas moins nettement situé : espace, temps, histoire, génération — mais pas exclusivement le aber qu’on retrouve à chaque strophe d’Andenken [3] à la manière d’un motif "derridien", la contamine — amitié(s), singulier/pluriel...
Mais par où commencer ? Allons aux pages 245 sq, à la fin d’American philo, entretiens d’Avital Ronell avec Anne Dufourmantelle [4] : la carte postale arrive d’aussi loin que supposé possible, de "zu Indiern" [5] en quelque sorte (la nuit toutes les femmes sont "brunes"), un ministre de la Culture de la République populaire de Chine, s’enquiert d’une disciple américaine du plus célèbre des déconstructeurs. La "dark lady" (vive les medias !) d’en conclure :
Comme nous l’enseigna Derrida, plusieurs futurs sont possibles, et encore davantage de retours.
Beau retour sur les engagements du maître et ami, relativement à la démocratie à venir [6], qu’il s’agisse des engagements de personne à personne (il prenait date [7]) ou de mondes à mondes (mondialatinisation : eus-je lu, berlue ?)
Ce chapitre douzième est d’une grande tendresse, en quoi cette femme est vraiment dangereuse... [8] Et de récidiver naguère à propos de « Lacoue » (Mon Philippe) : une des toutes premières contributions à l’ensemble réuni par Ginette Michaud, pour un numéro de la revue Europe [9], et repris dans les présentes Lignes de front [10].
Avital Ronell, Lignes de front
Dans le récit d’un jeune homme (Michel Lisse [11]), je lis :
« « Avec les textes de Jacques Derrida, le jeune homme dispose d’une machine à résister : à la linguistique saussurienne tout d’abord, mais aussi à « l’ancienne critique » littéraire. Il ne voit certes pas tous les enjeux du travail de Derrida, toutes les implications de son geste et, surtout, il n’entend pas encore l’invitation à relire tous les auteurs abordés dans cette œuvre, mais il n’a pas entièrement tort ; je lisais, il y a peu, un entretien où Derrida déclarait voir dans « une attitude de résistance à la culture dominante, à la culture universitaire dominante » une caractéristique commune entre lui et ses lecteurs ou les chercheurs qui étudient et parfois traduisent ses textes. Cette attitude de dissidence ou de résistance, le jeune homme en a besoin pour poursuivre des études qu’il aime, mais dont il souhaite infléchir l’orientation. Il veut se débarrasser d’un enseignement qui fait du vouloir-dire de l’auteur et de l’histoire les bases de la lecture littéraire. Il s’agit donc de développer la machine à résister. La dissémination l’attend. Et il va y trouver ce qu’il cherche, mais aussi et peut-être surtout ce qu’il ne cherche pas. » »
Bis repetita placent, au chapitre XII d’American philo, Avital Ronell déclare :
« - et [il] affirma que la littérature était un espace de dissidence sans équivalent. Ce qui pourrait apparaître, vu des Etats-Unis, comme une prise de position disjonctive et disproportionnée, influence littéraire comprise, fait partie de la longue liste de ses accomplissements - placer le pouvoir de la littérature au sommet, aux côtés d’autres figures de l’autorité référentielle, et voir dans la poésie (ou lui restituer) un inépuisable registre de résistance (il écrit dans le livre qui porte ce titre que le mot « résistance » a toujours été l’un de ses mots favoris, qu’il soit politiquement connoté, promu par l’Histoire, mis en œuvre par la poésie ou nuancé par la psychanalyse). » [12]
Si elle n’est pas épigonale, et elle ne l’est pas, la lecture (du monde, des livres, des êtres, des événements), la lecture d’Avital Ronell ne pouvait pas - au regard de ce qui vient d’être cité - ne pas rencontrer celle de Derrida.
En ce qui la concerne, la parution de livres en français s’accélère depuis 2006 [13], les rencontres se multiplient (Beaubourg, France-Culture). La manière : vivacité et inventivité herméneutique, énergie, intrépidité, mais aussi très vive sensibilité (et pas seulement à l’injustice) conduisent à lire pareillement le pamphlet où entre en scène GeoBush père et l’arc qui va de la récupération par un sous-marin du plus jeune aviateur américain de la seconde guerre mondiale aux frontières ensablées de l’Irak, l’apparente provocation consistant à sinon défendre du moins donner à comprendre qui révolvérisa (presque à mort) Andy Warhol, la patiente-impatiente déconstruction de la lecture d’Andenken qu’effectua Heidegger, le poème résiste ! Sans omettre le chant à la mémoire de Lacoue-Labarthe (mourning song), ni, ce qui est une vraie conclusion, les quelques pages qui nous arrivent à partir de Jean-François Lyotard, en vue de la plus salutaire des stupeurs, celle qui « coupe court à la tentation philosophique d’en faire trop ».
« Salutaire étrangère », tel est le titre donné à une conférence sur la lecture heideggerienne d’Andenken. Beau titre, on (je) songe à Ruth, amid the alien corn par qui vint - continue d’arriver - le salut, pour ceux qui l’attendaient, ou l’attendent encore [14].
« Geh aber nun und grüsse », voilà ce qui scande l’intervention d’Avital Ronell : « Mais à présent va et salue » pour une lecture toute orientée [15] par celles d’Arendt, de Levinas, d’Adorno (Parataxe), et sans doute en filigrane celle de Benjamin telle que la releva Philippe Lacoue-Labarthe [16], avec la "tombée" du prosaïque, ces "femmes brunes", ces "femmes de là-bas" que contourne indéfiniment Heidegger avec un long excursus sur les jours de fête [17] et qui au lieu (c’est le mot) d’accueillir, selon l’expression affectionnée par Jean-Luc Nancy, l’autre comme autre, revient au même : exaltation de la femme allemande, de la maison, du natal etc. [18]. Bref l’annexion poétologique d’Hölderlin, aux fins d’y réaffirmer la vocation d’un peuple. Avital Ronell souligne dans une note « son attention anxieuse aux vagues d’hostilité qui menacent d’écraser les immigrants au pays des immigrants ». Mais il n’y va pas que de la circonstance, toute prégnante qu’elle soit, mais de penser ce qui indéfiniment menace : le salut, la chance dirait Bataille, réside précisément dans la précarité, l’institution poétique ne demeurant que comme passage :
« Salué, saluant, le poète reste en alerte, prêt à répondre : pour lui, les limites du séjour poétique sur la Terre sont claires. L’étincelle de la finitude illumine le passage momentané de la vitesse destinale de la Salutation. Dès avant le jour où la Grèce périt, la plénitude a relevé des domaines de la mise en fiction. Des états de sécurité, balayés par le vent, révèlent la nature de l’illusion. Il n’y aura pas de rassemblement à la maison, même si le poète a projeté un retour vers elle. » (133)
Collectif, Philippe Lacoue-Labarthe, La césure et l’impossible
Evoquant « l’a-typie » de l’œuvre de Lacoue-Labarthe, Jacob Rogozinski ouvre ainsi le collectif : Philippe Lacoue-Labarthe, La césure et l’impossible [19] :
« Dévoiler ce fond-sans-fond, c’est contribuer à la dé-fondation, à la désinstallation de la philosophie, de l’art, de la politique, de l’« existence » même. [...] Son travail se réduit-il à ce seul geste ? Avec la déposition de l’œuvre, c’est le désart qui avance. Mais il avait repéré un autre mode de l’Entkunstung, un désart qui ne serait plus seulement la menace du désastre, qui porterait aussi la promesse d’un art délivré de sa subordination aux Grandes Figures de la métaphysique occidentale.« Le désart serait alors l’inscription de la transcendance comme la finitude de l’art, c’est-à-dire le fait, tout simplement, que l’art porte dans sa naissance le germe de sa mort » ; qu’il doit ainsi devenir le témoin de sa propre disparition et faire de ce témoignage l’enjeu de la pensée. C’est dans cette tension non résolue entre deux versions du désart [20] que se tenait Lacoue-Labarthe. C’est ce témoignage et cette promesse que les textes recueillis dans ce livre s’efforcent d’explorer dans leurs différentes dimensions. Dans tous les domaines - de la philosophie, de la poésie, du théâtre, de la musique- où il a tenté à chaque fois de résister à la disparition [21]. S’obstinant à écrire de la philosophie et à l’enseigner en la réinventant sans cesse, à l’époque de la fin de la philosophie. À travailler pour le théâtre, en un temps où la toute-puissance du spectacle -l’emprise hypnotique des images - écrase toujours plus profondément l’espace de la scène. À écrire des poèmes (et avant tout ce livre admirable, Phrase) sous l’horizon du désœuvrement et de la « haine de la poésie ». Parce qu’il le faut. Pour que la disparition n’ait pas le dernier mot. »
De ce collectif, aux nombreux noms [22] et dont l’exploration n’a pas fini d’advenir, mais qui manifestement ne fait pas nombre avec d’autres hommages, celui d’Europe (N° 973, mai 2010), de la revue Lignes (N° 22, mai 2007), ou encore L’Animal (N° 19-20, 2008), je retiens juste deux interventions, celles de Jean-Christophe Bailly, L’infinitif de la césure, et d’Évelyne Grossman, Écrire sous expiration — à propos de Phrase [23], en ce qu’elles aimantent ma lecture (mes relectures).
Rappelant les Entretiens de l’île Saint-Pierre [24] Jean-Christophe Bailly, redit le refus des catégorisations par son interlocuteur, et en vient très vite au vocable de césure (une relève du concept qui ne serait pas le nom, une relève du nom qui ne serait pas le silence). Et c’est Postface à La Disparition qui nous éclaire :
« Je passe tout de suite et sans transition à Hölderlin qui, on le sait, aura été le plus constant compagnon de pensée de Lacoue - ce qui revient à dire que là encore, et de façon peut-être excessive, mon mode d’approche sera l’effleurement, à partir d’un seul point, mais qui est tout sauf accidentel, le point où ce qui est dit dans la postface à la Disparition vient s’entrelacer très exactement à l’expérience de pensée que signifie le nom de Holderlin. Dans le petit texte que Lacoue nous a livré, le mot « condition » revient deux fois : tout d’abord, lorsqu’il est question de l’« effacement de la condition de l’exister », ensuite lorsqu’il est dit que, via l’expérience de cet effacement, il a pu reconnaître « la condition de l’existence poétique ». Or la condition, ce n’est pas le cadre détendu de l’occurrence, c’est la tension, c’est l’originaire, non en tant qu’il se réalise, mais en tant qu’il ouvre et qu’il est l’ouverture même du possible. » (p. 114 sq.)
Et de retrouver Deux poèmes de Friedrich Hölderlin de Benjamin qui inspirera fortement Parataxe, et chemin allant, la comparaison des ultimes poèmes d’Hölderlin au style tardif de Beethoven conduit à donner plus encore toute sa force à certains passages de Phrase, sur lesquels, précisément, Évelyne Grossman aura fait porter son analyse. Aussi je reprends, je ne peux faire mieux que de reprendre, une grande partie de la page 204, sur un passage de Phrase XIV (la citation que l’on trouve chez JC Bailly est ici amplifiée :
« Ou encore, ce passage de PHRASE XIV ; il vient d’évoquer sans le nommer le troisième mouvement du quatuor à cordes n° 15 de Beethoven ; il poursuit en y mêlant du même souffle une phrase notée en marge de la sonate pour piano n° 30 (andante molto cantabile ed espressivo) :
« Cela fait à peu près trente ans que je l’écoute, dans la même version, toujours, où la respiration / difficile de l’un des interprètes, presque / exténuée, fais que je retiens mon souffle moi-même lorsque / revient, élevé d’une octave, le motif / initial, là où précisément il a de nouveau / noté en marge : Mit innigster Empfindung, / avec ces mots qu’on croirait qu’il a lus dans Hölderlin. »
Et, plus loin : « car cette lenteur / d’avant le franchissement, expirante, il est certain / qu’il en a calculé le suspens... » (90).
Lacoue nomme cela : « apprendre le balbutiement de ceux qui vont mourir » (113) ; et Hölderlin, on le sait, lui aussi, balbutie.
Nous sommes traversés par la voix des morts. À propos du Cœur des Ténèbres de Conrad [25], ceci encore : « je me demandais, je me demande encore en / quelle langue, sinon celle des morts, cela l’avait-il traversé et s’était-il écrit » (87/88). Cette voix à bout de souffle, sans fin expirante, cette élocution à peine audible, ce dire « à peine modulé, ce qui se dit à travers nous et nous traverse comme un souffle venu d’ailleurs » (101), c’est celle des morts - les dieux, certes, mais nous-mêmes aussi bien, mêlés à eux, tissés en eux : « morts, nous le sommes toujours déjà - disent les dieux, immémorialement » (105). Et, plus loin : « Nous sommes déjà morts, nous le savons. Même les enfants le savent, et du reste, ils en pleurent »(107). Alors Phrase est un oratorio, - chant de déploration, élégie ; toutes ces voix souffrantes, dolentes qu’on entend revenir : Stabat Mater, Mère des douleurs, douleur d’Achille. »
« Tout cela ne peut pas se dire - à peine, à peine s’écrire. (Et si cela peut s’écrire, il faut une décision qui vienne de loin, il faut attendre, faire cette épreuve d’attendre : seul peut-être le rythme d’une phrase est à même de faire un peu sentir, de rendre, un tel arrachement.) » indiquait-il, [26], mais sans que la transmission soit exclue, pourvu que ce soit en quelque sorte sans telos propre, ainsi qu’il répondait à Derrida au sujet de l’exappropriation de l’oeuvre :
« Depuis très longtemps, par de vieilles lectures, un sentiment très fort s’est inscrit, pour ainsi dire, en moi : celui de laisser quelque chose, une trace, et, au fond, de transmettre... » [27] ce que semble-t-il réalisent Phrase, les ouvrages cités, et très certainement d’autres à venir.
Marie Françoise Plissart, Benoît Peeters, Jacques Derrida, Droit de regards
Benoît Peeters, Derrida & Trois ans avec Derrida
— Droit de regards
“ Je rouvre une de mes propres boîtes d’archives [28], cherchant à retrouver ce qui concerne Derrida. Une lettre me frappe, comme si elle s’adressait à moi, par-delà les années, comme si c’était maintenant que je pouvais vraiment la lire. Elle date du 21 août 1984, au moment où il nous envoyait, à Marie-Françoise et à moi, le texte longtemps attendu de sa lecture de Droit de regards : « Me pardonnerez-vous jamais ce long retard ? Si je pouvais vous décrire ma "vie", depuis l’été dernier, peut-être m’accorderiez-vous quelques circonstances atténuantes. » ”
Et Benoît Peeters d’ajouter :
“ Sa « vie »... Comment aurait-il pu imaginer que, vingt-quatre ans plus tard, elle m’occuperait à ce point ? ” [29]
La réédition de Droit de Regards aux Impressions Nouvelles [30] est multiplement opportune, en ce qu’elle donne de faire le point sur quelques parcours, celui de Benoît Peeters (De Derrida à Derrida), celui d’un genre, le récit photographique (la postface de Véronique Danneels : Futur antérieur, est à lire, absolument [31]), celui d’une artiste, Marie-Françoise Plissart, dont le talent n’a fait que se confirmer [32], l’aventure d’une maison d’édition, les Impressions nouvelles [33] et bien sûr de mesurer, est-ce le mot ? avec quelle finesse Derrida s’y prend pour provoquer nos propres lectures sans les emprisonner dans une grille préétablie : les circonvolutions rhétoriques initiales indexent un vrai questionnement et ne sont pas des coquetteries philosophiques, c’est un bonheur paradoxal de la maîtrise dans la démaîtrise, cela exige forcément du temps, et l’abandon de toutes sortes de préventions ; le “sujet” s’y prête (s’y donne ? ) parfaitement : le damier ouvre des fenêtres sur des histoires adroitement cadrées, recadrées, de sorte que le lecteur Derrida, quelqu’un, vous ou moi, s’adresse ainsi :
« Tu ne sauras jamais, vous non plus, toutes les histoires que j’ai pu encore me raconter en regardant ces images. » [34]
De la même manière on devrait (prescriptif modalisé !) lire Derrida, et Trois ans avec Derrida, comme Jacques Derrida le fit pour Droit de regards, car c’est bien à ce à quoi ouvrent les travaux de Benoît Peeters.
Derrida, à la fortune du Poe (un autre ne l’aura pas volé), évoque avec on ne peut plus d’à propos, ceux de Dupin : « Je prends donc cette occasion de proclamer que la haute puissance de la réflexion est bien plus activement et plus profitablement exploitée par le modeste jeu de dames (game of draughts) [...] Dans les dames, [...], où le mouvement est simple dans son espèce et ne subit que peu de variations, les probabilités d’inadvertance sont beaucoup moindres, et l’attention n’étant pas absolument et entièrement accaparée, tous les avantages remportés par chacun des joueurs ne peuvent être remportés que par une perspicacité supérieure... ». Je prends donc cette occasion pour proclamer que la réédition de Droit de regards, avec le recul qu’elle autorise - le vide d’une distance prise aurait dit Althusser - et la parution des livres de Benoît Peeters incitent à la perspicacité vis-à-vis d’une oeuvre, d’une époque, les miroirs dévoilés à la réflexion [35] : qu’est-ce qu’un auteur, qu’est-ce qu’une vie lorsqu’elle se fait poésie (Ungaretti répondait une belle biographie) ?
— Trois ans avec Derrida
Il y aura bien des manières d’aborder l’épais ouvrage que nous offrent les éditions Flammarion, droit de regards ! selon que l’on a ou non accompagné, lu, "l’homme et l’oeuvre" décrits, que l’on s’est ou non pris d’amour. Benoît Peeters a pris le parti d’une périodisation très claire (comme la ligne du même nom) : Jackie, Derrida, Jacques Derrida, a privilégié les entretiens et dans les archives (IMEC, Irvine) la correspondance. Soit dit en passant, un immense merci à Marguerite Derrida (et à sa « fidélité sans appropriation ») ; les carnets se referment, ce n’est pas un hasard, sur sur une belle coïncidence et par : « Et notre conversation s’achève par un éloge de Marguerite ». J’indique une façon : lire d’abord les carnets, ce qui donne d’apprendre comment cette biographie s’est inventée, son questionnement (le choix des trois fils : l’histoire d’un homme, la genèse d’une pensée, la réception d’une) oeuvre ; les pages 185 à 191 (25 juin 2009) apportent un bel éclairage sur la manière, la probité du biographe, en substance (je les résume) :
Geoffrey Bennington « A life in philosophy » [36] : « On peut s’attendre à ce qu’un jour Derrida fasse l’objet d’une biographie et alors rien ne pourra empêcher que celle-ci s’inscrive dans la veine traditionnelle du genre [...], ne serait-il pas urgent de repenser la possibilité de la biographie à la lumière de la déconstruction (actuelle) de la métaphysique ? Est-il possible de concevoir une biographie multiple, stratifiée plutôt que hiérarchisée, autrement dit fractale, qui échapperait aux visées totalisantes et téléologiques qui ont toujours commandé au genre ? [37]
Ce qui suscite une petite typologie des biographies possibles. :
1) La biographie-essai, « à la française », 2) La biographie factuelle, « à l’anglo-saxonne », 3) La biographie-témoignage, 4) La biographie-dossier, 5) La biographie romancée, 6) La biographie à charge, 7) La biographie intellectuelle, 8) Les biographèmes, 9) La biographie totale, 10) La biographie déconstruite.
Et se conclut par : « s’il m’importe de travailler de manière multiple et d’éviter les « visées totalisantes et téléologiques », je cherche moins, au bout du compte, à proposer une biographie derridienne (« inventer un instrument à la fois diégétique, phénoménologique et psychanalytique extrêmement raffiné » (Derrida à Maurizio Ferraris) ) qu’une biographie de Derrida. »
— Derrida
Une fois lus les carnets, perçu le questionnement du biographe en vue de trouver la meilleure approche dans les délais qui conviennent, de repérer les faits saillants et bannir l’anecdote qui guette à chaque pas [38], il n’y a plus à hésiter à se lancer dans cette lecture au long cours, ses 660 pages qui se lisent aisément, la cinquantaine de pages de notes judicieusement étant rejetées en fin d’ouvrage ; tout ceci confère à ce récit biographique un excellent rythme voire une allure épique, mais sans forcer sur les hauts faits. Dans le registre de l’émotion, je retiendrai plus particulièrement les pages consacrées à Louis Althusser : aux heures sombres que connut celui-ci, la fidélité de Derrida fut sans faille ; pages toutes de tendresse aussi lorsque Jean-Luc Nancy connut l’épreuve que nous révéla L’Intrus, et qui invite sinon à relire, à refeuilleter des pages de Le toucher Jean-Luc Nancy ce livre hors-norme (certes il y en eut quelques autres dans leur format ou leur composition). Je n’insiste guère, la réception par la "grande presse" est à juste titre excellente, et donne à grands traits l’économie de cette Grande Biographie [39] , ainsi que les éléments principaux d’une aventure intellectuelle majeure. On n’a guère fini de lire (édition des Séminaires en cours) ou de commenter Derrida : parmi les derniers en date, le second tome de Derrida et Cixous se lisant [40] par Ginette Michaud [41] aux éditions Hermann, très fine, très patiente et très stimulante exégète de l’oeuvre.
Par amitié pour ce travail, je recommanderais aussi un détour par la Librairie du Québec, y sont disponibles des exemplaires de Veilleuses, Autour de trois images de Jacques Derrida, aux éditions Nota Bene.
[1] Ce paragraphe conclut Il faut, conférence de 1991, reproduite dans Philippe Lacoue-Labarthe, Heidegger, la politique du poème, Galilée, 2002, p. 115.
[2] Jean-Christophe Bailly, L’infinitif de la césure, in Philippe Lacoue-Labarthe, La césure et l’impossible, collectif sous la direction de Jacob Rogozinski, éditions Lignes, 2010.
[3] Geh aber nun und grüsse (5) ; darüber aber... (10) ; Im hofe aber... (16) ; Es reiche aber... (25) ; Wo aber sind die Freunde ? (37) ; Nun aber sind zu Indiern (49)... ; Es nehmet aber... (56) ; Was bleibet aber... (59). Comme si le mouvement de la pensée se confondait avec le mascaret que l’on peut observer en ces lieux (ce que suggère aussi la mention de l’équinoxe).
Le poème d’Hölderlin, a fait l’objet de maintes traductions (par exemple celle de Serge Meitinger, et aussi de commentaires, dont celui d’Heidegger, qui sera ici en question. Pour les germanistes : Erlaüterungen zu Hölderlins Dichtung, Klostermann, 4° édition, 1971, et en traduction française : Approche de Hölderlin, traducteurs Corbin, Deguy, Fédier, Launay, Gallimard, collection Tel, 1973.
[4] American philo, Stock, 2006.
[5] Mais c’est chez les Indiens /Que sont partis les hommes, maintenant, /Là-bas par la pointe venteuse,
/Au pied des vignes, là
/Où descend la Dordogne,
/Et ensemble avec la splendide /Garonne, ample comme la mer. /Il part, le fleuve. Mais la mer /Retire et donne la mémoire,
/Et l’amour aussi attache avec soin les yeux, /Mais ce qui reste, les poètes l’instituent.
Texte traduit par Philippe Lacoue-Labarthe pour le film Andenken (Je pense à vous) - Holderlin 1804, Hors-Œil Éditions, 2000. Repris dans Proëme de Lacoue-Labarthe, suivi de Andenken (DVD), avec Jean-Christophe Bailly, réalisation C. Baudillon et F. Lagarde, Hors-Œil Éditions, 2006).
[6] Et voilà que le thème eschatologique se profile ; où sera mentionné Jacob Taubes, l’autre maître d’Avital Ronell, Agamben mit un jour sur la voie : Le Temps qui reste, commentaire ad litteram, littéralement et dans tous les sens du premier verset de l’Épître aux Romains, Payot-Rivages, 2000, fruit d’un séminaire qui se proposait d’interpréter le temps messianique comme le paradigme du temps historique.
Un récent article de la revue Critique, (n° 761, « Le sacré revisité »), rend compte, sous la plume de Marc Lebiez, de deux ouvrages parus en 2009 : Eschatologie occidentale, aux éditions de l’Éclat, livre écrit en 1947 à 23 ans, et Du culte à la culture, sous-titré « Le temps presse », aux éditions du Seuil, recueil d’écrits et d’interventions diverses. C’est au compte-rendu d’un séminaire de 1987, publié en 1996, puis traduit en 1999, sous le titre La théologie politique de Paul, que s’agraphe le livre d’Agamben.
L’expression guérilla herméneutique, employée par Raphaël Lellouche, pour présenter Eschatologie occidentale (une préface indispensable), pourrait tout aussi bien désigner le style d’intervention d’Avital Ronell : v. dans Stupidity, Stock 2006, le chapitre II : La politique de la bêtise : Musil, le Dasein, l’attaque contre les femmes et ma fatigue.
[7] « Je suis en guerre contre moi-même », entretien avec Jean Birnbaum, Le Monde, 18 août 2004. Publié sous le titre : Apprendre à vire enfin, Galilée, 2005.
[8] Cf. l’appellation décernée par le magazine ReSearch
[9] Avital Ronell, L’indélicatesse d’un interminable fondu au noir, Europe, n° 973, mai 2010, pp. 16-29.
« Philippe Lacoue-Labarthe et les arts du silence », lettre du 30 mai, en fait mention.
[10] Avital Ronell, Lignes de front, Stock, 2010.
[11] Michel Lisse, Jacques Derrida, ADPF/Ministère des Affaires étrangères, 2005, p. 7 sq.
[12] Ajoutons pour faire bonne mesure cette réponse à la question de Jean Birnbaum : Vous avez inventé une forme, une écriture de la survivance, qui convient à cette impatience de la fidélité. Ecriture de la promesse héritée, de la trace sauvegardée et de la responsabilité confiée.
Si j’avais inventé mon écriture, je l’aurais fait comme une révolution interminable. Dans chaque situation, il faut créer un mode d’exposition approprié, inventer la loi de l’événement singulier, tenir compte du destinataire supposé ou désiré ; et en même temps prétendre que cette écriture déterminera le lecteur, lequel apprendra à lire (à "vivre") cela, qu’il n’était pas habitué à recevoir d’ailleurs. On espère qu’il en renaîtra, autrement déterminé : par exemple, ces greffes sans confusion du poétique sur le philosophique, ou certaines manières d’user des homonymies, de l’indécidable, des ruses de la langue - que beaucoup lisent dans la confusion pour en ignorer la nécessité proprement logique. Chaque livre est une pédagogie destinée à former son lecteur. [...]
[13] Telephone book ainsi que Addict aux éditions Bayard, et Test Drive chez Stock, idem Stupidity et American philo, le livre d’entretiens cité plus haut .
[14] Cf. Yves Bonnefoy, rappelant, dans La Maison Natale, in Les Planches courbes : Et alors un jour vint
/Où j’entendis ce vers extraordinaire de Keats,
/L’évocation de Ruth "when, sick for home,
/She stood in tears amid the alien corn"
[15] zu Indiern, par exemple (Rom, en hindi, signifie l’homme)
[16] Tout le chapitre : "Il faut" de Heidegger, La politique du poème, texte de 1991, mérite relecture attentive ; aux pp. 112-113, Lacoue-Labarthe, met en évidence à propos de Die braunen Frauen daselbst (Les femmes brunes de ces lieux), comment le commentaire heideggerien s’emploie à "sauver" le caractère sacré de la prétendue prédication hölderlinienne.
[17] Philippe Lacoue-Labarthe précise en ce qui concerne cette seconde strophe.« Il n’y a pas seulement là une étonnante précision topographique, comme du reste dans la première strophe (qui est une « vue » de Lormont) ou la dernière (qui évoque le bec d’Ambès). Mais si Adorno ne pouvait pas le savoir, on le sait bien aujourd’hui : le moulin, situé justement à Lormont (sur l’autre rive de la Garonne, donc, en face de Bordeaux), abritait une sorte de cabaret où l’on venait danser les dimanches et, sinon un lieu de plaisir, dans les années du Directoire et du Consulat, au moins un lieu de fêtes. Adorno touche juste, tout simplement parce qu’il sait à quel point Heidegger évite la réalité que, pour sa part, Hölderlin s’épuisait à rejoindre. » ("Il faut", op. cit. p. 89.)
Ici, « invitation au voyage », lent travelling d’Andenken, film de Christine Baudillon et Philippe Lacoue-Labarthe (éditions Hors-Œil), 2002.
[18] On est loin de « Nous sommes noires et nous sommes belles » du Rire de la Méduse, à propos de la reparution en français de ce texte d’Hélène Cixous, v. la lettre du 17 mai 2010, et les extraits de la préface de Frédéric Regard.
[19] Philippe Lacoue-Labarthe, La césure et l’impossible,
Sous la direction de Jacob Rogozinski, Actes de la rencontre internationale organisée par le Parlement des philosophes à Strasbourg, en 2009, éditions Lignes, 2010.
[20] Cf. Écrits sur l’art, op. cit.
[21] Jacob Rogozinski dit trouver dans Préface à La Disparition, la nécessité impérieuse qui le conduisit à rassembler le Parlement des philosophes à Strasbourg, pour le colloque dont l’ouvrage chez Lignes constitue les Actes. Sur le petit livre posthume de Lacoue-Labarthe, voir la lettre du 9 juin 2009.
[22] Jacob Rogozinski, André Hirt, Antonia Birnbaum, Helga Finter, Francis Fischer, Esa Kirkkopelto, Maud Meyzaud, Jean-Christophe Bailly, Isabelle Baladine Howald, Mehdi Belhaj Kacem, Marc Goldschmit, Évelyne Grossman, Jérôme Lèbre, Susanna Lindberg, Boyan Manchev, Jean-Clet Martin, Patrick Werly, Sylvie Decorniquet, Sara Guindani, Huang Kuan-min, Artemy Magun, Andrea Potestà, Jean-Luc Nancy
[23] Philippe Lacoue-Labarthe, Phrase, éditions Christian Bourgois, 2000. A lire, ce texte de Jean-Christophe Bailly.
[24] Bienne, 2003, filmés par François Lagarde et Christine Baudillon, DVD Hors-Œil éditions, avec le fac-simile de la présentation de Die Armut, La Pauvreté, de Martin Heidegger, édition bilingue aux Presses Universitaires de Strasbourg, 2004, qui « démêle tous les fils qui se trouvent ici tissés entre les propos de l’auteur de Sein und Zeit et l’œuvre de Hölderlin ».
[25] « I raised my head. The offing was barred by a black bank of clouds, and the tranquil waterway leading to the uttermost ends of the earth flowed sombre under an overcast sky - seemed to lead into the heart of an immense darkness. »
[26] Philippe Lacoue-Labarthe, Retrait de l’artiste, in Écrits sur l’art, Presses du réel, 2009, pp. 125-126.
[27] Dialogue entre Jacques Derrida, Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy, 9 juin 2004, Rue Descartes n° 52, pp. 86-99.
[28] Je rouvre une de mes propres boîtes d’archives (numériques), et je relis avec émotion des bulletins d’un temps aussi effroyablement ancien qu’exactement contemporain, l’un pour son immédiateté, son affectivité à fleur de peau, l’autre, pour sa reprise non moins émue, comme si la distance apportait fidèle confirmation.
[29] Benoît Peeters, Trois ans avec Derrida, Les carnets d’un biographe, Flammarion, 2010, pp. 54-55.
[30] Droit de regards, Marie-Françoise Plissart, Jacques Derrida, réédition 2010 Impressions nouvelles, enrichi d’une postface de Véronique Danneels ; 1ère édition Minuit, 1985.
[31] Véronique Danneels, est historienne de l’art, féministe, conférencière (cf. ce propos pour la revue Art&fact). J’extrais de sa postface -c’est un hommage- ce qui suit :
« En un quart de siècle, Droit de regards, un projet spontané et undergound, a pris des allures de manifeste esthétique et politique, sans que cette intention n’ait été poursuivie à l’époque...
Relu en 2010, Droit de regards célèbre trois codes emblématiques de la fin du deuxième millénaire :
— le minimalisme
— la photographie narrative
— et l’identité sexuelle : le style minimaliste et le processus du roman-photo ne sont que prétextes pour encadrer et illuminer l’expression d’une sexualité en expansion. Le message lesbien augmenté par le droit de tous les regards, celui des protagonistes, de la photographe, des lectrices et des lecteurs, se distingue des formulations binaires courantes. L’homosexualité n’est pas présentée en compétition ou en alternative à « l’hétéro-normalité », elle se présente régnante dans toute la splendeur juvénile. Droit de regards donne lieu au sexe, à l’amour, la beauté, l’exaspération, aux suspens...
La réédition de Droit de regards en 2010 invite à entamer d’autres récits, à décoder de nouveaux signes, évidents et inattendus, révélés par le passage du temps...
Jacques Derrida terminait sa lecture par la phrase : « Droit de regards, ou l’invention de l’autre. »
Inventons. »
[32] Voir la bio-bliographie.
[33] A consulter, le site ; l’interview de Benoît Peeters à propos de la maison d’édition ; il nous a été donné de censer les livres de Jean-Marie Apostolidès, Dans la peau de Tintin, un autre de Sandrine Willems, Éros en son absence, (récemment paru L’Extrême, très beau récit où se dit « la guerre entre entre ce qui veut vivre et ce qui veut finir »), d’Emmanuelle Lambert, Mon grand écrivain (Robbe-Grillet), enfin Jan Baetens vient de faire paraître Pour le roman-photo, un essai stimulant sur un genre décrié.
[34] Les lecteurs familiers de l’oeuvre auront reconnu là une des formulations récurrentes de ce qui en fait le secret.
[35] Pour résoudre l’énigme, aller au mitan du damier (i. e. p. 50 de Droit de regards), la Hacedora vous l’écrit.
[36] Le texte est téléchargeable.
[37] En anglais : Derrida leaves us in this context with two questions : 1) what would a biography of Derrida look like ? and 2) what would biography look like after Derrida ? It is of course to be expected that Derrida will some day be the subject of biographical writing, and there is nothing to prevent this being of the most traditional kind, according to the ontological supplement as I have outlined it.** I imagine that there are anecdotes to be told (probably mostly to do with cars and driving) and remarks to be reported (probably to do with other philosophers). But this type of complacent and recuperative writing would at some point have to encounter the fact that Derrida’s work should at least have disturbed its presuppositions. I would hasard a guess that one of the last genres of academic or quasi-academic writing to be affected by deconstruction is the genre of biography. But given the irritation I am sure many of us have felt on seeing that just about the only academic books thought worthy of review outside the specialised press are biographies, might it not be urgent to rethink the possibility of biography in the light of the (ongoing) deconstruction of metaphysics ? Is it possible to conceive of a multiple, layered but not hierarchised, fractal biography which would escape the totalising and teleological commitments which inhabit the genre from the start ?
** Just as there is nothing to prevent Derrida’s thought being reduced by the schemas prevalent in that other academic discipline, the ’history of ideas’, even though his thought should in principle make that type of reduction problematical.
Geoffrey Bennington, avec non seulement son Jacques Derrida (augmenté de Circonfession), (Paris : Seuil, 1991), mais aussi avec son article d’Études françaises, vol. 38, n° 1-2, 2002« Derrida lecteur », p. 77-85 « Le temps de la lecture », donne la mesure de son propre questionnement des conditions de possibilité d’une biographie de Derrida, celle-ci étant au coeur de son écriture, c’est à dire de son projet philosophique, lisiblement dès les premiers ouvrages (Cf. « L’avertissement" de Derrida, écrit en 1990, au Problème de la genèse dans la philosophie de Husserl, Paris, PUF, 1990, d’abord rédigé en 1953- 1954).
[38] L’index des personnes citées fait quinze pages, bon nombre sont encore vivantes.
[39] Description des enjeux, de la méthode, revue de presse sur le site ad hoc : Derrida, la biographie.
[40] Pour le premier tome, voir la lettre du 17 mai, pour le second la notice des éditions Hermann.