Maria Gabriela Llansol, figures du livre intérieur

21/03/10 — Maria Gabriela LLansol, Eduardo Prado Coelho, Pedro Eiras, Patrick Kéchichian, Maria Graciete Besse,
Paula Mendes-Coelho, Cristina Isabel de Melo


 _______________________il me plaît de jouer sérieusement avec l’écriture puisque la plupart des gens, moi y compris, la tiennent pour un jeu. Mais l’écriture qui m’étreint est un pouvoir éclairant et une finalité de vie qui fait peur. La peur de l’écriture. Il vaut beaucoup mieux ne pas parler d’elle que d’en parler. Faire une telle alliance avec l’horizon possible du rien crée une nouvelle branche d’arbre à l’horizon.
Maria Gabriela Llansol [1]


A la littérature [2]

Les quelques lignes qui suivent, extraites du Journal (1979-1983) de Maria Gabriela Llansol, traduit sous le titre de : Un faucon au poing, [3] donneront au lecteur [4] quelques indications rapides sur l’auteure [5] et sa manière d’envisager la littérature.

Jodoigne, 30 mai 1979

   C’est la chaleur, comme en été au Portugal, mais déjà il fait sombre, et à la fin de l’après-midi l’électricité s’accumule comme en été dans le Brabant ; je me défais de la littérature et passe sur la rive de la langue ; je crois que le Portugal est un territoire de voyage, étoilé, ou ayant la configuration des étoiles selon les itinéraires des Portugais, fugitifs, juifs, commerçants, émigrants, ou navigateurs ; tel est l’arbre généalogique dessiné en marge de la littérature portugaise. Ses thèmes, réduits au pays diminué de ses routes de voyage, sont des thèmes carcéraux qui révèlent la médiocrité des relations sociales en général, et le développement académique d’une littérature ; tout autre est la ligne discontinue des mémoires enfouies dans les sables d’une carte céleste ; presque ignoré de la littérature dominante s’obstine à surgir un champ inondé de la langue où se connaître à travers elle fait partie des amours intimes.

   Il tonne ; ici, c’est le Brabant ; pour me consoler de devoir suivre ce chemin, j’ai lu quelques paragraphes de Dans la Maison de Juillet et d’Août [6] , et je sens que quelqu’un a fait un travail qui a un fondement en soi-même et dont l’écho n’est qu’une nouvelle séquence de travail ; ainsi, sachant combien les arbres nous protègent, je vis pour écrire et entendre et, aujourd’hui, j’ai été l’un des premiers lecteurs de Dans la Maison de Juillet et d’Août ; ce texte m’a si profondément touchée qu’après avoir oublié ce que j’allais dire, ou plutôt écrire ensuite, je me suis assise sur le banc vert du jardin, près du Prunus Triloba, pensant en moi-même que je devais me défaire de la littérature pour conter comment j’ai traversé la langue, en désirant me sauver à travers elle.
   Plus tard a commencé la nuit, une concentration intense que je n’ai jamais traduite par obscurité ; les effets de la nuit sont la Maison, les animaux, Augusto, une entente claire et imaginaire avec eux, sans trouble. Si maintenant il faisait jour je ne me réjouirais pas tant
      je vis,
ni ne me tournerais avec une égale acuité vers l’œuvre en suspens qui va suivre.

le nombre impair

   o número ímpar estabelece que há partes que não têm parte ; o que não é um obstáculo a que essas fracções - as que não se reuniram num todo -, sejam provavelmente aquelas que não se deram à eternidade
   le nombre impair établit qu’il y a des parts qui n’ont pas de part ; ce qui n’est pas un obstacle à ce que ces fractions - celles qui ne s’unirent pas dans un tout soient probablement celles qui ne se donnèrent pas à l’éternité
Les errances du Mal pp. 156-157 [7]

Rendant compte de ce livre à sa parution en 1991, Patrick Kéchichian indique en substance :

« Maria Gabriela Llansol met en scène une utopie amoureuse et symbolique dont les principaux protagonistes forment un triangle : Copernic, l’astronome, l’homme, et aux deux angles féminins, Isabeau (alias reine Isabel du Portugal) et Hadewijch, la poétesse mystique de la Flandre médiévale. A partir d’une symbolique du nombre impair, Maria Gabriela Llansol récuse la pensée d’une complétude érotique des pôles masculin et féminin ; complétude qu’exprime le mythe de l’androgyne — « une relation sensuelle, et tout ce qui complète une relation amoureuse, si elle n’a pour horizon qu’un seul être, me semble institutionnelle, et poussière ». [8]
Érotique qu’expriment ces mots :

   « Ao fim de algum tempo, ja que o homem que eu amava, e me amava, a amava também a ela, principiei a sentir o desejo de acariciar o seu corpo. »
   « Au bout de quelque temps, puisque l’homme que j’aimais et qui m’aimait, l’aimait elle aussi, j’ai commencé à ressentir le désir de caresser son corps. »

Pedro Eiras précise :

« Le Deux, qui était en fait une Unité fermée et prévisible, est remplacé par le Trois ; à ne pas confondre, pourtant, avec une trinité divine chrétienne ou hindouiste ni avec un schéma de Aufhebung hégélien. Il s’agit plutôt d’explosion d’un cadre fermé vers la surprise infinie ; il s’agit, d’autre part, de la suppression de toute hiérarchie, même si l’amour impair naît dans un monde moralement et politiquement hiérarchisé : la toile de fond de Contos do Mal Errante est Münster au XVI° siècle, au moment où des révolutions sociales et théologiques inouïes se préparaient. [9] »

Maria Gabriela Llansol confie :

« Herbais, 12 novembre 1982
Je termine presque les Contes du Mal Errant. Je les ai appelés contes, non que ce soit un livre de contes mais parce que, en chacune de ses parties, c’est une confidence voilée.
Je l’ai écrit après De la haie à l’être qui, lui, est un livre qui prend ses distances avec la vie des béguines transformée en légendes.
Les Contes du Mal Errant sont un écho lointain de ce monde, devenu légende et, réellement, souterrain. [10] »

En conjoignant [11] ces différents points, il sera lisible qu’ils expriment dans ce refus de l’amour fermé une poétique propre à l’auteure, manifestée dans les cenas-fulgor [12] , dans son appel à « Tu que me lês » (Toi qui me lis, et surtout quand tu te fais liseur), en ces pages, par exemple :

« Nous imaginions Camoens partant du Portugal à la rencontre de Copernic qui lui montrerait ses calculs inédits comme il l’avait fait avec Rheticus. Ainsi la fin du chant IX des Lusiades aurait été si différente (tout l’élan des Découvertes « exige » une théorie héliocentrique, puisque Giordano Bruno est proprement inaudible) et la rencontre amoureuse dans l’Île aurait atteint des sphères qui lui restent inaccessibles, quelques calculs cabalistiques que l’on fasse. De passage par Cracovie, où Copernic était un chanoine ennuyeux, sédentaire et très circonspect, Camoens aurait pu entrer en contact avec des groupes de Fidèles du Pur Amour, ce qui aurait donné à son lyrisme un timbre inoubliable qu’il n’a pas, comparé aux poèmes d’Amour qui nous restent d’eux. Il y a un accent platonique dans son lyrisme qui dénote un manque et une inexpérience (il y a une différence entre être vécu et être expérimenté). Mais à l’inverse aussi, que Camoens n’aurait-il pas donné à Copernic, que n’aurions-nous pas gagné si la science naissante n’avait pas été un « savoir à sec » ? [13] »

Et c’est comprendre nous dit la fille qui craignait l’imposture de la langue :

« Il n’y a pas de littérature. Quand on écrit, seul importe de savoir en quel réel on entre, et s’il y a une technique adéquate pour ouvrir un chemin à d’autres. » [14]

Et c’est pourquoi Pessoa (dont Llansol regrette qu’il n’ait pas rencontré Al-Hallâj, mais seulement des théosophes de pacotille) dialogue avec Bach, que peut surgir Lisboaleipzig, que Spinoza voisine Musil, Ana de Peñalosa y côtoie bien sûr Jean de la Croix, et que s’il est libérateur de vivre ici, il est besoin de branches lorsque se fait sentir le vertige d’entreprendre un haut vol sans savoir où s’agripper [15]. Ainsi la réception de l’oeuvre apparaît-elle encore ardue à certains : « écrivain secret et difficile, voire parfois ésotérique » précise un grand journal du soir dans les quelques lignes qu’il consacre à la disparition de Maria Gabriel Llansol en 2008 [16]. Certes, le lecteur peut être désorienté à première approche, et de fait Eduardo Prado Coelho, dans sa préface « Les figures du quotidien » à Un faucon au poing, l’indique tout d’abord, mais dit-il « pour souligner ce qui se produit ensuite : l’éblouissement qui succède à la peur de ne pas comprendre ».

médiations

Il faut reconnaître que le lecteur de la revue Savoirs et clinique, bénéficie de manière privilégiée de l’une d’elles, en son numéro 8 L’écriture et l’extase [17] avec la contribution de Maria Graciete Besse : Le texte fulgurant de Maria Gabriela Llansol entre nomadisme et dépossession. Texte renvoie à Barthes, à la distinction texte de jouissance et texte de plaisir, Maria Graciete Besse soulignant d’emblée que le lecteur est pris dans les deux registres. Elle ajoute que « l’écriture de Maria Gabriela Llansol développe souvent des fulgurations qui traduisent la discontinuité temporelle, la jubilation du fragmentaire et l’expérience nomade de l’« intranquillité », si chère à Fernando Pessoa. Par un mouvement de déterritorialisation, l’instance énonciative se déploie entre l’intime et l’extime, la fascination et la perte, pour créer une épiphanie du visible où se joue sans cesse la possibilité de l’extase. »
Après avoir brossé le parcours de l’auteure, elle donne un éclairage personnel des oeuvres alors traduites, tout en relevant les points de contact entre les réflexions de De Certeau relatives à la littérature mystique, celles de Bataille pour l’expérience intérieure, et tout particulièrement Blanchot (La communauté inavouable, L’entretien infini) ou encore Emmanuel Levinas :

« Dotée de « la certitude que le texte est un être » qui s’adresse à un « visage » tel que l’entend Levinas (« la manière dont se présente l’Autre, dépassant l’idée de l’Autre en moi »), l’écriture éminemment éthique de Maria Gabriela Llansol élabore un monde d’intensités où toutes les formes se défont au profit d’un flux qui renvoie à des zones d’intensités capables de souligner le rapport à autrui comme à l’absolument autre. Par-delà les paroles et les silences, ou plutôt à travers eux, c’est de la jouissance qui se redistribue avant tout dans ces textes, opérant une transformation du moi à partir de l’expérience de la plénitude. » [18].

Enfin, côté Lacan, reprenons cette conclusion :

« On pourrait souligner, pour finir, qu’il s’agit d’une jouissance « supplémentaire », au sens où l’entend Lacan, nous mettant en contact avec l’existence à l’état pur, grâce à la fulgurance des mots qui « se touchent les uns les autres » et au ravissement qui bouleverse corps et âme, produisant une rupture de la continuité temporelle, une sortie hors de soi traduite par l’accueil d’une intense présence qui peut aussi être comprise comme la recherche d’une vérité jamais atteinte dans le mesure où « dire ce qu’elle est reste une donnée en suspens. »

***

Muni de ce viatique, le liseur ne manquera pas de s’attarder sur la manière dont Maria Gabriela Llansol traduit les poètes ( Verlaine (Sageza, 1995) ; Rilke (Frotos e Apontamentos 1996) ; Rimbaud (Iluminações e Poemas. 1996), Apollinaire (Mais Novembro do que Septembro) ; Éluard (Últimos Poemas de Amor, 2002), mais encore Thérèse de Lisieux (0 Alto Voo da Cotovia, 1999) ; et plus récemment, en 2003, As Flores do Mal de Charles Baudelaire). Il sera aidé en cela par Paula Mendes-Coelho : Les Fleurs du Mal « traduites » par Maria Gabriela Llansol ou l’hospitalité d’une « mère porteuse » [19]

Donnons juste cet exemple :

“Poète/« escrevente » (écrivant)/ traducteur c’est celui qui crée, car seul le texte importe, sa matérialité en construction. Le poète est par ailleurs vu par Llansol comme celui qui est dépossédé de tout pouvoir - un Pauvre - mais grâce à cette condition, il est seul capable de lutter contre l’imposture, de dépasser ce pouvoir, par la création. C’est seulement dans ce contexte que l’on peut comprendre la traduction du dernier quatrain du très connu poème de Baudelaire : « L’Albatros » :

« Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher. »

devenant sous la plume de M.G. Llansol :

« Assim o Poeta. Equivalente do rei aéreo
Paira sobre o bravio rindo-se nâo sendo alvo
Mas se exilado em terra no meio de tristes
Suas as as de gigante fazem dele um pobre. »

Le vocable « pauvre » n’apparaît évidemment pas dans le poème de Baudelaire, il ne prend tout son sens que si on le confronte aux différentes acceptions que le terme prend tout au long de l’œuvre de M. G. Llansol, où il s’oppose au « prince », législateur, détenteur de tout pouvoir, surtout de l’institutionnalisation de la langue.”

On ne s’étonnera alors guère de cette conclusion :

“Or, si son œuvre peut être considérée comme une des plus hospitalières, dans le sens où elle reçoit chez elle, les abrite, des textes, des auteurs, des figures de tous temps et de tous lieux, on ne saurait en dire autant de ses prétendues « traductions », du fait qu’elle plie, subjugue les textes originaux à ses règles de « maîtresse de maison », très libertine, par ailleurs, l’un de ses charmes passant par la liberté des registres ironique et pornographique qu’elle force dans certains textes de Baudelaire. Cependant c’est peut-être par là que passe aussi la postérité d’une oeuvre comme Les Fleurs du Mal, qui a valu à son auteur d’être poursuivi en justice, lors de sa parution. Comme Benjamin l’a dit, la vie de l’original est inséparable des risques de la traduction : l’original meurt s’il n’est pas sujet à transformation.
Pour remettre les choses à leur place et parce que Maria Gabriela Llansol est la traductrice la moins innocente qui soit, il faudrait qu’elle remplace le terme « Traduction » qui paraît sur la couverture, par ce qu’elle a écrit à un autre endroit :

« eu, Maria Gabriela Llansol, sou responsável pelo texto que dou a ler » [20]

***

Gageons que la plasticienne et poète Cristina Isabel de Melo [21] prend à son compte cette affirmation en la traduisant à son tour.
Ce qui nous vaut une publication plus récente, chez Pagine d’arte : Le jeu de la liberté de l’âme un petit livre paru en 2003 dans sa version originale, et un deuxième texte, L’Espace édénique – une longue interview de Maria Gabriela Llansol réalisée en 1995 [22] et la promesse de traductions à venir. Un espace spécifique sur internet, l’espaço Llansol [23] montre la vivacité de l’oeuvre parmi les lusophones.

Nous conclurons dans cet esprit avec ce qu’écrivait en 1993 Eduardo Prado Coelho :

« Les lecteurs de Llansol (au Portugal et bientôt, sans doute, en France) forment une communauté silencieuse, mais fanatique, d’affidés qu’unit une multiplicité de signes et de références. Llansol nous invite à entrer dans un jeu où elle n’a pas de place privilégiée : lecteurs, traducteurs ou critiques, nous entrons dans le mouvement même de l’écriture, nous participons à une textualité qui n’a rien de formaliste mais qui est, dans son éclairante gravité, une relation oblique à la vie et à la littérature — quelque chose de si étonnamment neuf et inattendu que, loin de toute nostalgie, nous pourrions dire de cette aventure qu’elle est sans retour ». [24]

© Ronald Klapka _ 21 mars 2010

[1Maria Gabriela Llansol, Un faucon au poing, Gallimard, 1993, p. 140.

[2Cette dédicace salue la parution aux Presses Universitaires de Rennes de L’Agir littéraire, Le beau risque d’écrire et de lire, de Pierre Campion. Le chapitre VI de ce livre, intitulé De l’ennemi intime, célèbre l’auteur à « la table de peine », en l’occurrence l’auteur d’Agir, écrire (Fata Morgana, 2008) ; je me permets de voir dans le titre du livre de Pierre Campion un hommage (avoué ou non, en tous cas des plus avouables) à l’oeuvre de Pierre Bergounioux, à l’esprit qui l’anime, qui les anime, la volonté de transmettre (Pierre Campion fait très certainement partie de ces « légents » chers à Maria Gabriela Llansol, cf. note 4, infra.
A la littérature, le site personnel de Pierre Campion, comporte de nombreuses études, il héberge la chronique de poésie de Laurent Albarrracin, a recueilli les entretiens de La Métis, revue naguère animée par Maryline Desbiolles ; on y trouve aussi relatées de belles séquences au lycée, avec des rencontres d’écrivains ; j’élis celle d’Hélène Cixous accueillie pour Voiles, livre écrit avec Jacques Derrida (Galilée, 1998).
Au-delà de la circonstance d’une parution et de l’hommage amical, fait sens de relier les questions de Pierre Campion (cf. son précédent Essai sur les raisons de la littérature) aux interrogations de Maria Gabriela Llansol, qui les traduit en actes esthétiques, plutôt qu’en actes artistiques — v. p. 190 sq., la référence à Baldine Saint Girons, L’Acte esthétique, Klincksieck, 2008, (j’ajoute Le pouvoir esthétique, Manucius 2009, et son « trilemme » : plaire, inspirer ou charmer ?, v. cette recension.

[3Maria Gabriela Llansol, Un faucon au poing, Journal 1, traduit du portugais par Alice Raillard ; préface de Eduardo Prado Coelho, Gallimard, NRF, 1993, titre original : Um falcão no punho, éditions Rolim 1985.

[4Je suis pour ma part un lecteur tardif, je peux présumer, étant donné le peu de livres traduits qu’il en est d’autres... C’est une page de Claire Malroux, dans traces, sillons (Corti, 2008) qui m’aura donné d’aller à la rencontre de cette « légente », et cette lettre espère lui en amener quelques autres. Maria Gabriela Llansol appelle « légent », « un lecteur qui participe dans une intense réflexion sur le texte littéraire considéré comme un univers purement verbal qui nous donne accès à la connaissance et parfois à ce qu’elle nomme les « scènes fulgor », des « noyaux scintillants » qui correspondent à des moments étonnamment beaux, inscrits dans les rencontres qui n’ont jamais eu lieu, mais qui auraient pu se produire et, dans ce cas, changer l’ordre des chose ».
Pour le livre de Claire Malroux, voir la lettre du 10 mai 2009.

[5Succinctement, Maria Gabriela Llansol vit à l’époque en Belgique (Jodoigne, Herbais) avec son mari Augusto Joaquim, où elle est partie en 1965 et où elle a développé une expérience pédagogique novatrice (Louvain). Elle ne regagnera Lisbonne qu’en 1985.

[6Traduction littérale de Na Casa de Julho e Agosto ; les titres de livres de Maria Gabriela Llansol sont autant de « figures » de son texte (Précision de la traductrice, Alice Raillard).

[7Maria Gabriela Llansol, Les errances du Mal, traduction de Contos Do Mal Errante Lisboa, Rolim 1986, pp. 162-163) par Isabel Meyrelles, Métailié, 1991.

[8Patrick Kéchichian, Le triangle de Copernic, Le Monde des livres, article paru dans l’édition du 29.11.91.

[9Pedro Eiras, La Diction d’Éros, à propos de l’érotisme dans Contos do Mal Errante de Maria Gabriela Llansol, in Femme et écriture dans la péninsule ibérique, sous la direction de Maria-Graciete Besse et Nadia Mékouar-Hertzberg, L’Harmattan, 2004, pp. 275-288.

[10Un faucon au poing, p. 106.

[11Pour rester dans la logique du convosco, manifestée dans cet exemple :
Pondo a mão entre o ventre de Escarlate, e princípio da carne penetrante de Copérnico, noto que entre se tornou convosco, e que já nada pode entravar esta palavra, compeli-la a indicar separação. Para obtermos tudo isto, submetemonos a um exercício simultâneo do corpo e do pensamento.
En mettant ma main entre le ventre de Écarlate (autre nom d’Hadewijch) et le principe de la chair pénétrante de Copernic, je remarque que, entre, est devenu avec vous et que rien ne peut plus contrecarrer ce mot, le forcer à indiquer une séparation. Pour obtenir tout cela, nous nous soumettons à un exercice simultané du corps et de la pensée.

[12Un faucon au poing, les pp. 144-145 développent particulièrement la genèse et la signification des figures :
« Mon texte ne progresse pas par développements thématiques, ni selon une intrigue, il suit le fil qui relie les différentes scènes fulgor. Il y a ainsi une unité même si apparemment il n’y a pas de logique, car je ne sais pas à l’avance ce que chaque scène fulgor contient. Son noyau peut être une image, ou une pensée, ou un sentiment intensément affectif, un dialogue.
Il arrive toutefois qu’il y ait entre ces noyaux une identité formelle (d’où l’importance formelle de mes textes, jusqu’au niveau graphique) et que je la reconnaisse au vortex qu’ils provoquent en moi. Lorsqu’un lecteur réagit de la même manière, ce vortex se confirme et le nœud constructif se resserre. »

[13Un faucon au poing, pp. 111-112.

[14Un faucon au poing, p. 65.

[15Un faucon au poing, p. 164 ; paraphrase.

[16Le Monde des livres, article paru dans l’édition du 23.03.08.

[17Savoirs et clinique est une revue de psychanalyse, dirigée par Franz Kaltenbeck, liée à l’Association Aleph (Lille). Elle est diffusée par Érès. Le sommaire de son numéro 8 est impressionnant. Avec entre autres brillantes contributions : Jacques Le Brun, Refus de l’extase et assomption de l’écriture dans la mystique moderne ; Philippe Sabot, Extase et transgression chez Georges Bataille ; Pierre-Henri Castel, La Madeleine de Janet, ou comment s’écrit l’expérience de l’extase ; Geneviève Morel Inspiration, extase, sinthome

[18Deux remarques :
La première, le « légent » pourrait redistribuer le "triangle de Copernic" de la sorte : l’auteur, le texte, le lecteur, chacun "produisant" l’autre et étant "produit" par lui.
Dans l’article de Pedro Eiras déjà cité, l’érotisme de la lettre devient tout de suite annonce et épiphanie. Écoutons Isabeau, nous dit-il :
Se ser amada par Copérnico era já em si uma tão grande alegria, ser amada par Hadewijch, e que os dois se amem um ao outra é certamente Esse que não posso pronunciar, nem mesmo predizer.
Si être aimée par Copernic était déjà en soi une si grande joie, être aimée par Hadewijch, et que tous les deux s’aiment mutuellement / est certainement / Celui / que je ne peux pas prononcer, ni même prédire. (p. 286)

[20M.G. Llansol, Onde Vais, Drama-Poesia ?, p. 187. ["moi, Maria Gabriela Llansol, je suis responsable du texte que je donne à lire"].

[21Les deux activités de Cristina Isabel de Melo lui valent d’avoir un site d’une part, un blog d’autre part. Lors de la parution de la revue Décharge n° 138 en juin 2008, elle a confié à Florence Trocmé la traduction de quelques poèmes pour son anthologie permanente, ainsi qu’une bibliographie substantielle.

[22C’est dans la nouvelle collection ciel vague que les éditions Pagine d’Arte souhaitent poursuivre la divulgation de l’oeuvre de Maria Gabriela Llansol et de textes poétiques et critiques à caractère inédit auprès des lecteurs de langue française et italienne.

[23Au sein de celui-ci, une page en français (seul le chapeau est en portugais) donne l’écho du lancement du Jeu de la liberté de l’âme ; elle est agrémentée d’une présentation des éditeurs, d’un exposé de Maria Graciete Besse, des traductions des poèmes par Cristina Isabel de Melo, tandis que João Barrento s’emploie à restituer ce que manifeste l’écriture-vie de M. G. Llansol. La découvrir.

[24Eduardo Prado Coelho, Les Figures du quotidien, préface à Un faucon au poing, p. 8.