Philippe Forest,
Le roman, le réel & autres essais
25/01/2007 — Philippe Forest, Georges Bataille, Philippe Sollers
(Stoop) if you are abcedminded, to this claybook,
what curios of signs (please stoop), in this allaphbed ! [1]
Allaphbed 3. Dix années de réflexion(s) de l’auteur de Sarinagara [2], aux éditions Cécile Defaut. Un roman est-il possible aujourd’hui ?
Oui, à condition de se vouloir à la mesure modeste de l’impossible.
Le roman, le réel, est le troisième des ouvrages de Philippe Forest de la série "Allaphbed" chez Cécile Defaut (éditrice nantaise).
Allaphbed 1 : La Beauté du contresens et autres essais sur la littérature japonaise, 2005 [3], Allaphbed 2 : De "Tel quel" à "L’infini" : nouveaux essais, 2006.
Romancier, essayiste, universitaire, proche de Tel Quel, l’Infini, d’Art Press, Philippe Forest n’étaie pas sa réflexion sur le seul genre ainsi labellisé. C’est d’ailleurs pourquoi le nom d’Artaud intervient dans la "liste".
Quant à l’impossible du réel, plus qu’à Lacan c’est à Bataille que Ph. Forest se réfère. Il me semble que cet extrait en donnera la mesure :
Bataille : « Là où l’impossible sévit, toute explication se dérobe. »
En cela, toute expérience - qu’elle soit synonyme de jouissance ou de souffrance, qu’on l’appréhende comme liée au bonheur aussi bien qu’au malheur - relève du « réel » dans la mesure exacte où elle n’est pas entièrement traductible c’est-à-dire récupérable dans cette langue de l’utile en laquelle la société exprime la certitude englobante de sa logique. Tout ce qui, dans cette langue, suscite l’espace d’une béance (voire plus discrètement d’une discontinuité, d’une perturbation locale), acquiert ce « statut » de reste où se marque l’impossible du réel.
Distribué en cinq chapitres : 1. L’appel inouï du réel, II. Le roman du Je (cf. ceci, ou encore), III. Douceur et douleur, IV. Morales du roman moderne, V. Pour commencer, pour finir, cet ouvrage de 300 pages offre comme l’indique Philippe Forest en sa préface de refaire pour son propre compte le trajet accompli. Cf. :
« Avec ce nouveau livre que deux autres devraient suivre ou accompagner (Tous les enfants sauf un et Le nouvel amour à paraître cette même année aux éditions Gallimard), j’ai le sentiment de laisser se tourner une page. Dix années auront été ainsi nécessaires afin de m’expliquer à moi-même l’entreprise dans laquelle, en tant que critique et romancier, j’avais été malgré moi jeté et ce que peut bien signifier l’étrange activité d’écrire. Je n’ai le sentiment d’avoir fait aucune vraie découverte dont je puisse me prévaloir. Mais il faut un vrai travail pour s’en revenir à l’évidence. Je l’ai accompli pour moi mais je ne désespère pas qu’il puisse servir à autrui. En littérature comme en n’importe quel autre domaine, chacun doit refaire pour lui-même et en son nom propre la même démonstration. Elle le reconduit devant la vérité à laquelle l’appelle l’expérience partagée de l’impossible qui inexplicablement exige à chaque fois d’être dite.
C’est fait. »
© Ronald Klapka _ 25 janvier 2007
[1] Finnegan’s Wake, 18, 17-18.
[2] Cette mention, pour en signaler la parution en poche, Folio n° 4361.